3°age,Tiers-Etat

La vieillesse est pauvreté chez tous les hommes, surtout quand ils sont déjà pauvres

La vieillesse elle-même est pauvreté chez tous les hommes, cela va de soi. mais aux classes moyennes ou aisées, la société moderne permet au moins de nourrir une dernière illusion sur cette pauvreté-là. La médicalisation de leurs maux leur permet de croire qu'ils en guériront. Le marché de la santé chez les vieux, par les plantes, les cures thermales, la thalassothérapie, les services spécialisés des hôpitaux, est devenu un secteur d'avenir. Les jeunes médecins s'orientent volontiers vers la gériatrie, naguère méprisée parce qu’elle ne réclamait aucune spécialisation, désormais considérée comme une filière véritable, demain sans doute regardée comme l’honneur de la médecine moderne. Derrière eux s’engouffrent toutes sortes de gens peu recommandables qui tirent profit de la naïveté de leurs patients et de la complicité des médecins pour organiser des séances de musicothérapie, d’ergothérapie, de ludothérapie, etc., de sorte qu’il est probable qu’un jour ou l’autre, le fait d’aller passer une semaine au Maroc prendra le nom de « voyageothérapie ».

Mais les vieux qui n’ont pas les moyens de cette pieuse hypocrisie sont obligés de reconnaître, dans la vieillesse, l’ultime étape d’une pauvreté qu' connaissent déjà, puisque, pour la plupart, ils l'ont vécue dans l'âge mûr.

(Extrait d'Eloge de l'Age 1983)