Un extrait hélas prophétique

On voit arriver dans les Clos de l'Age d'Or et autres Jardins des Aînés toute une main d'oeuvre juvénile envoyée par le Conseil Général et que les syndicats, mécontents, appellent démotivée. Pour parler plus clairement elle se moque complètement de ce qu'elle fait, elle est toujours ailleurs.

La chose la plus frappante est l'omniprésence du téléphone portable ou des tablettes électroniques . Tout débordé qu'il soit, l'employé sous-qualifié mais surexploité mène, à travers les réseaux connectés, une vie privée ostensiblement agitée, parallèle à l'autre, à travers l'échange de photos ou de textos, au nez des vieilles dames qui attendent l'heure de la toilette.

La consultation obsessionnelle du téléphone portable trahit en effet, pour n'importe quel psychologue, le rejet de ce que l'on vit ici et maintenant - et surtout des gens avec qui on le vit. Les maisons de retraite où chacun est à l'affût d'un regard d'approbation ou de tendresse devraient être le lieu où l'on est présent à ce que l'on vit. Mais le téléphone portable qu'on apppelle désormais smartphone, avec son cortège de pages facebook et de messages instantanés, permet de quitter la vie sociale où l'on est plongé, à laquelle on ne tient que par des obligations insupportables, pour arpenter sans cesse d'autres rivages imaginaires et plus flatteurs.

Le patient dans ces conditions fait toujours les frais du retour à la réalité puisqu'il la représente . Son aide-soignante de vingt-trois ans s'impatiente contre lui puisqu' il incarne un temps plus lourd, plus banal