Campagnol

Le père Hamel n'était pas seulement un prêtre, c'était un vieil homme

Il y a une conséquence assez peu commentée, même pas du tout commentée, à l'électrochoc que constitue l'assassinat, cet été, d'un vieux prêtre par un jeune terroriste, c'est la façon dont l'électorat des vieux, des vieilles personnes, a perçu cet événement épouvantable. Première chose , le jeune homme qui a fait ça ne voyait visiblement pas la différence entre un chrétien de 84 ans et un chrétien de 44 non pour des raisons de haine religieuse mais tout simplement parce que la différence entre jeunes et vieux s'efface dans les sociétés sans civilisation comme la nôtre. Les décervelés de son espèce, élevés dans un monde où le temps n'existe pas, ne perçoivent aucune progression dans une vie, aucun mouvement vers la vieillesse, la faiblesse, la profondeur, la sagesse, il voient tout comme instantané, comme clip, donc pour lui un ennemi de 84 ans c'est un ennemi comme un autre, qui n'est pas plus humain, pas plus cultivé, pas plus inoffensif parce qu'il est vieux. De même d'ailleurs, je le rappelle, qu'on a pu voir un jeune CRS, lors d'une manifestation, plaquer au sol une femme de 74 ans qui pour lui n'était pas une vieille dame, mais une manifestante.
Eh bien l'électorat des vieux en France, celui qui constitue le plafond de verre de la sagesse et du scepticisme face à la montée des opinions radicales, cet électorat qui se laisse avoir traditionnellement par tous les discours du genre il ne faut pas exagérer, a très bien compris le sens de ce qui s'était passé dans cette église normande. Et je vais même ajouter, le fait que le père Hamel n'ait pas été un vieil homme bien en chair, aux épaules solides, le fait que son profil d'oiseau ait représenté, personnifié, symbolisé, sur les couvertures des magazines, la fragilité du grand âge, est un élément déterminant dans la façon dont l'électorat des plus de soixante ans va réagir. Tous les gens qui comptent une personne de cet âge dans leur entourage ont pu observer que, dans la semaine qui a suivi, les vieillards ont commencé à dire que Juppé, qui était alors leur image du faut pas exagérer, n'avait rien compris à ce qui se passait. Alors on va me dire, ils l'ont entendu quelque part. Oui, sans doute, mais je pense qu' ils l'ont entendu surtout de leur petite voix intérieure. Il ne faut pas chercher plus loin. Le jour du vote ils n'iront pas chercher plus loin non plus.Ajoutez à cela que le président français se teint les cheveux et les sourcils et que son rival aussi. Que les trois quarts du personnel politique en font autant. L'électorat âgé a compris que lorsqu' on ne respecte pas sa propre vieillesse, lorsqu' on en repousse l'idée, lorsqu' on cache ses cheveux blancs on n'est pas digne de représenter ceux qui de leur côté, et pour leur part n'ont jamais eu honte d'être vieux.