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Hollande: de charisme en Sylla

Il est de bon ton, parmi nos gouvernants, d'afficher une indignation innocente devant les protestations que soulèvent en ce moment les «mesures impopulaires», sous le prétexte que les Français admettent secrètement, intimement, leur nécessité.

Depuis des semaines tout le monde défile au micro pour se plaindre des rabotages successifs mais ceux qui animent les débats y vont aussitôt de leur couplet en faveur du gouvernement sur le ton «Il fallait bien le faire». Une fois sur deux l'invité répond à peu près: «oui mais pas comme ça» . Les journalistes ne creusent pas davantage et concluent «vous voyez bien».

Or c'est pourtant là que se situe la faiblesse principale d'une politique de rigueur: quand elle n'a ni la manière, ni le vocabulaire requis, elle irrite tout le monde, y compris ceux qui en perçoivent la nécessité.

Premier artifice, hyper-fréquent en ces temps de propagande diffuse, se pencher vers l'invité pour lui proposer de regarder un court sujet tourné dans la rue, reportage au cours duquel on voit s'exprimer deux mères de famille au sujet des allocations: l'une violemment indignée, l'autre favorable à une solidarité accrue même si elle doit payer davantage. Résultat de ce prétendu sondage-minute, l'opinion serait divisée également entre les pour et les contre, ce qui est un mensonge, car un référendum donnerait 80 pour cent de contre. Cela signifie que, quel que soit le sujet, trente pour cent de l'opposition disparaissent dans cette espèce de faux-plafond médiatique.

Deuxième artifice, on essaie de prouver à l'invité qu'il est de mauvaise foi puisqu' «il a bien compris qu'il fallait faire quelque chose pour combler les déficits, qu'il l'a d'ailleurs admis maintes fois au cours de sa carrière». Les écrans s'allument de nouveau derrière lui: extraits de ses propres déclarations qui tendent à prouver qu'à propos de tout, retraites, sécurité sociale, allocations, communes endettées, il est d'accord avec ce qui vient d'être décidé et que finalement, droite ou gauche, tout le monde serait obligé d'adopter les mêmes solutions.

C'est là qu'intervient le troisième artifice, le plus lourd, qui consiste à dire qu'on n'aura pas le temps d'approfondir mais que grossièrement l'affaire est entendue, alors que le téléspectateur vient à peine de comprendre où se situe la vraie question: la politique est une affaire d'hommes , de vocabulaire, de confiance établie entre ceux qui décident et ceux qui subissent. Et là le déficit est devenu monstrueux. La population a bel et bien compris que certaines mesures sont indispensables, comme certains adolescents admettent volontiers qu'un foyer ait des règles, des interdits, des exigences en cas de coup dur, mais ce qui vaut pour l'éducation des enfants est valable dans la vie de la nation: quand on ne sait pas expliquer à ses enfants pourquoi n'a plus d'argent, quand on ne sait pas leur parler avec émotion et fermeté, quand on ne sait pas donner l'exemple, quand on continue à changer de voiture tous les deux ans pour faire bonne figure, on est indigne de son rôle.

Ce qui est le plus frappant dans le spectacle auquel nous assistons, c'est le manque de solennité dans la parole, c'est l'incapacité à galvaniser les foules devant l'épreuve, c'est un défaut d'âme permanent. Le général de Gaulle, à la fin de sa carrière, avait besoin de raviver la flamme de l'histoire à chacun de ses discours pour maintenir un certain degré de dignité, de hauteur dans ses déclarations. Désormais le brasier de l'histoire est en train de rougeoyer un peu partout mais les personnages publics continuent à nous parler comme si la «normalité» du président les avait éteints.