littérature

A ceux qu'on n'a pas aimés (1988)

aceuxUn roman qui démarre comme une pétillante chronique des années 40-70 et qui finit sur une méditation essentielle : qu'avons-nous fait de nous-mêmes, de l'amour, du désir ?Le roman commence sous l'Occupation, s'élabore dans l'après-guerre, et, conduit jusqu'aux années 70. Les personnages ont vingt ans, quarante ans, cinquante... tout est joué alors, tout est fini ou, plus sinistrement, tout continue, chaque jour plus fané, plus réduit, automatique et désespéré.

Au cœur du roman, une petite - jeune fille - femme vivante, messagère inconsciente d'une cruelle vérité : la bourgeoisie veut se racheter ! De quels remords, de quels mensonges, de quelle duperie ? La trouvaille romanesque, c'est d'avoir fait de cette petite fille adoptée, un être radicalement opposé à ce que le lecteur attend. Marianne ne vouera aucune reconnaissance à ses protecteurs. Non seulement elle saccagera leur vie, les trompera…

Peu à peu, je me suis mis à détester Marianne, la victime, et à plaindre ces braves bourgeois acharnés à la sauver pour mieux s'anéantir eux-mêmes. Autour de Marianne, pour Marianne, gravitent, s'épuisent et meurent ceux qui se détournent de leurs propres échecs pour l'aider dans sa réussite.

J'ai été particulièrement attentif au personnage d'Alcide Leclerc qui prend prétexte de l'adoption de Marianne pour casser son mariage. Alcide est pédé, une « tante », comme on l'était dans ce milieu à cette époque. Alcide est le personnage en qui Christian Combaz a mis le plus de tendresse, même s'il n'en épargne pas la lâcheté.

Mais Alcide a un plus, il a la dignité du désespoir et il succombe, tard - il est vrai -, à l'amour des hommes. Cette vulnérabilité et sa clairvoyance quant aux vanités du monde, son affection déjouée pour Marianne dont il voit la bassesse et la veulerie, le sauvent de l'enlisement stupide. Il sait, il comprend, il est beau et faible, il est humain.

Jean Yves Alt