Campagnol

Une spécialité française, le servage intellectuel

Il faudra que je vous reparle de cet instituteur socialiste de Campagnol d'ailleurs retraité, qui est en train de se radicaliser depuis qu'on accumule les sottises au gouvernement mais pour l'instant je vous en parle à propos de l'un de ses amis, instituteur comme lui, un peu plus jeune qui a écrit un livre en 2014.

Un livre sur l'éducation bien entendu. Un livre qui était assez intelligent pour qu'un grand éditeur parisien le lui prenne.  On imagine la scène comme dans un feuilleton, l'auteur montre la lettre à son épouse, formidable, on va publier son livre à Paris, il va faire la tournée des médias, on va lui proposer de nouvelles responsabilités syndicales, etc. En somme c'est Perrette et le pot au lait version FSU. Un an plus tard le livre est paru, il n'a fait l'objet d'aucun compte rendu dans la presse, encore moins sur radios et télés, et il n'en a vendu que 500. On me dira, ça arrive, ce sont les hasards de l'édition. Oui, mais ce qui arrive après est plus intéressant parce que typique d'une France où tous les dés sont pipés dès le départ. Notre nouvel auteur digère donc son échec pendant un an, et au bout d'un an, chez le même éditeur parisien, il voit sortir un livre qui reprend pratiquement toutes ses thèses, mais rédigé par un sociologue, un habitué de France Culture qui est passé par toutes les cases du jeu de l'oie de la renommée.  Naturellement ce nouveau livre marche très bien, on voit son auteur un peu partout, visiblement les hasards de l'édition sont parfois orientés.
Que s'est-il passé? C'est un cas assez banal, assez français, de servage intellectuel. Ce que vous produisez est toujours détenu, contrôlé par quelqu'un de plus autorisé que vous. Quand un jeune chercheur dans un labo fait une découverte, c'est son patron qui passe à la télé. Quand un blogueur de talent raconte des choses passionnantes , on en retrouve des phrases entières sous la plume des éditorialistes payés dix mille par mois, qui ne sont pas inquiétés et qui gardent leur salaire. L'auteur du texte initial, lui n'est jamais invité nulle part. Et pour finir quand un écrivain sorti du rang se mêle d'avoir des idées neuves, son propre éditeur téléphone à quelqu'un de plus connu que lui pour qu'il les reprenne à son compte. En y ajoutant la touche de bon aloi qui  ménage le système et qui arrondit les angles. Voilà pourquoi la société française est sujette à de fréquentes explosions: il est de plus en plus difficile chez nous d'atteindre le dessus du panier sans renverser le panier d'abord.