Le Figaro & autres

Violence, cruauté, mutilations ? Mais cela infeste l'imaginaire ludique de la jeunesse occidentale depuis quarante ans!

(entretien livré à Atlantico)
Parmi les auteurs d' actes barbares se trouvent des jeunes qui sont nés et ont grandi en Europe. Sont-ils le fruit d'une banalisation de la violence interne à notre société ?

Christian Combaz : Egorger un otage, éventrer un ennemi, faire sauter une boîte crânienne, à froid ou à chaud, avec ou sans éclaboussement du mur voisin, ça se programme depuis plus de dix ans chez les concepteurs de jeux vidéo en baskets et t-shirts, c'est à dire qu'il y a des gens cool et souriants qui planchent dans les studios, y compris les studios français, sur la façon de représenter la cruauté et le sang  avec le plus de réalisme possible.

 Quand Microsoft réunit deux cents journalistes mondiaux à Seattle pour la sortie d'une nouvelle console avec un jeu-vedette, on arrive au paradoxe invraisemblable de voir tous ces commerciaux cravatés qui vont à l'église et qui envoient leur fille aînée à la danse, tout en promouvant dans le monde entier des jeux que la jeunesse elle-même appelle "dégueulasses", mais qu'elle achète quand même. Les grands éditeurs de jeux, les distributeurs, et mêmes les caissières de supermarché savent très bien que parmi les grands acheteurs des titres les plus sanglants la moitié ont moins de dix huit ans, un tiers moins de douze, et que le goût du sang, de la violence, est en outre ultra "connoté socialement".

En d'autres termes tous les enfants ne les achètent pas dans tous les milieux. En revanche dans certains milieux, suivez mon regard, les enfants les achètent (ou les piratent) pratiquement tous.

Au-delà de la dérive fanatique, les actes de violence gratuite perpétrés sur notre propre sol participent-ils du même phénomène ?

Christian Combaz : La violence gratuite qu'on inflige à un plus faible que soi dans la cour, dans la rue, au centre commercial, est un phénomène de bande qui sert à ressouder le groupe sur le thème "t'es pas cap", puis "choisissons notre ennemi, nous serons meilleurs amis". Enfin il ne faut pas négliger le fait que la violence est un moyen de rétablir une hiérarchie dans un monde où toutes les hiérarchies ont été remises en cause, notamment par les médias qui parlent de réactionnaires à tout bout de champ, et qui exercent un contrôle permanent sur la manifestation de la fermeté, de l'autorité, y compris dans la parole, depuis une trentaine d'années. Ni les policiers, ni les professeurs, ni les politiques ne sont plus perçus comme légitimes pour imposer une règle. Les parents non plus dans la plupart des cas.

Donc les adolescents s'imposent des règles entre eux. Ils cherchent à reformer une grille d'autorité dans leur groupe. Ca s'appelle une mafia.  Et c'est la règle du plus fort qui prévaut. C'est la même chose chez les loups. Sauf que chez les loups, les femelles ne jouent pas les dominantes en body noir comme à Nancy. La seule issue si l'on veut juguler les mafias c'est de reprendre pied sur leur terrain avec les mêmes arguments, c'est à dire la contrainte directe au nom de l'institution. Il est probable que certains gouvernements en Europe iront bientôt chercher leurs recettes à Moscou ou à Washington pour retrouver la main . La mollesse raisonneuse européenne, dont François Hollande est un exemple absolument consternant (cf Léonarda), ne convient  plus à la nature du défi qui nous est infligé. Nous sommes en train de franchir un cap où la mollesse sera perçue comme une trahison, voire comme une haute trahison. C'est à cela qu'on reconnaît qu'on est en temps de guerre.