Le Figaro & autres

"Mon fils, j'vous jure, franch'ment, il a rien fait M'dame.

En 2006 un lycéen lyonnais qui attendait le bus sous un abri au milieu d’autres voyageurs a été surpris par deux agents de police en train de cracher par terre. Les policiers lui ont infligé une amende de 135 euros pour avoir souillé « la dépendance d’un service public », mais l’affaire ne s'est pas arrêtée là.

C’est même là qu’elle a commencé, puisque TF 1 a décidé de s’en mêler. Le 20 Heures a diffusé un reportage au commentaire ironique, pour abonder dans le sens du jeune homme, lequel a pris un avocat bien entendu. Nous avons vu la mère du contrevenant, une jeune femme satisfaite d’elle-même, nous expliquer que la loi appliquée à son fils datait de la France de Vichy. Un adolescent qui crache par terre au milieu des voyageurs devait donc bénéficier de l’impunité, du simple fait que l’interdiction n’avait pas été votée par le peuple au bon moment.
Cracher en public sous un abri de six mètres carrés est pourtant un acte délibérément antisocial qui mérite une sanction comme toute provocation, mais la télévision s’en moque. Et elle s’en moquera tant qu’on trouvera des mères pour contester la réalité de l’offense, pour faire appel devant le proviseur en cas de différend avec un prof, et pour hurler devant la caméra, dans le sabir particulier à ce genre de situations : « Mon fils, je vous jure, il a rien fait, Madame ! »
Nous avons la chance de ne pas vivre une époque législative scélérate. On peut donc suggérer sans risque que les règles élémentaires soient toilettées au Parlement. Quand Zidane crache en direct sur la moquette d’un couloir, l’amende devrait être proportionnelle au nombre de téléspectateurs. Quand de jeunes voyageurs du métro appuient leurs jambes sur la banquette d’en face on devrait déchirer leur carte Orange. Et quand un jeune homme se présente en classe coiffé d’une casquette et refuse de l’ôter, la sanction devrait être impitoyable.
On pourra objecter que c’est du fascisme, mais quand une jeune prof poignardée à Étampes affirme, dans la presse, que tout a commencé par le coup de la casquette pour finir par celui du couteau, on se demande de quel côté est le fascisme.
Le même journal de TF 1 nous a montré un enfant situé à l’opposé dans le spectre de la civilisation. Il allait donner son premier concert de piano à 10 ans, et il jouait les yeux fermés, réfugié dans un monde où les enfants ne s’échangent pas de vidéos douteuses et ne menacent pas leur professeur en disant : « Tu sais que t’es bonne ? ».
« Qu’est-ce que la musique ? demandait la journaliste. – C’est le divin. »
Si la télévision devait pratiquer une discrimination positive, il est permis de souhaiter qu’elle s’applique à ces enfants-là, parce qu’ils sont les premiers “en difficulté”.