littérature

Tous les hommes naissent et meurent le même jour

 

Vous n'ignorez pas, et vous me dites, que le LSD, entre autres substances connues des médecins de votre âge, permet d'obtenir des résultats voisins , un enrichissement des couleurs et des sons. Non seulement cet argument n'est pas une objection mais je le prolonge en vous citant une autre substance, autrement plus intéressante, le diméthyl tryptamine (DMT)

, un dérivé de la tryptamine dont la chaîne moléculaire a été modifiée, une substance présente dans le corps humain et secrétée par l'épiphyse. Cette molécule endogène dont la quantité est décuplée par l'organisme humain en cas de stress, induit des phénomène comparables à ce qu'on appelle la « mort imminente », à savoir des hallucinations qui affectent le nombre et la beauté des couleurs et la rencontre avec des êtres perçus comme bienveillants. Vous avez beau vous écrier « Alors, vous voyez bien », je ne vois rien du tout. Le fait de pouvoir induire chimiquement un phénomène mental nous renseigne t-il sur sa nature ? Non. Le fait qu'une glande soit capable de projeter un patient dans l'autre monde nous donne t-il des informations sur ce que l'on y voit? Pas davantage.

 

En revanche vous me paraissez moins prolixe sur la nature de ces êtres lumineux et bienveillants que rencontrent les personnes soumises aux effets de cette drogue endogène. Peut-être n'ai-je pas suffisamment décrit la nature de cette rencontre. Elle correspond, pour l'essentiel, à l'influence sur la conscience des premières étapes de la mort clinique, avec une importance très grande donnée aux formes géométriques, une omniprésence de la lumière, et l'apparition d'êtres moqueurs et bienveillants décrits comme... indescriptibles.

 

Le DMT reste visiblement la version brutale, livrée sans décodeur, de la révélation. Si l'on considère le sentiment de plénitude et de compréhension universelle que rapportent les rescapés de l'Au-delà qui ont failli mourir lors d'un traumatisme ou à la suite d'une maladie, le DMT procure une extase métaphysique qui reste énigmatique. Le DMT agit plutôt comme un extenseur de fréquence, le cerveau ne repeint pas la réalité comme chez Rimbaud, il la remplace comme chez les chamanes de l'Amazonie qui utilisent une molécule identique depuis des siècles, sous le nom d'Ayahuasca. En outre le processus vital pendant l'expérience n'est en rien menacé. On ne constate aucune midriase, aucun tracé plat. On soulève le coin du voile un instant sans autre conséquence qu'un changement de perspective mais il est radical. L'une des participantes aux expériences médicalement assistées qui ont eu lieu autour du DMT en Angleterre explique, sans détours, avoir eu la certitude de contempler le lieu où les âmes attendent d'être réincarnées . Nous sommes là en présence non d'une hallucination agréable car elle ne l'est pas toujours, mais d'une extension de la conscience. L'esprit débarque dans sa vraie patrie, il reconnaît le rivage d'où il est parti. Il comprend que ce que nous appelons réalité n'est qu'une île. Elle révèle l'immensité d'un continent sous-marin que les physiciens modernes appelleraient le monde non-local. Les Chrétiens ont un autre mot, ils préfèrent le non-incarné ce qui revient au même. Je vais vous livrer un résumé de témoignages recueillis auprès de volontaires ayant pris du DMT sous contrôle médical et dont l'origine sociale était plus élevée que la moyenne, ce qui autorise un certain raffinement dans le récit.

 

La première chose qu'ils soulignent est le fait que cette expérience semble se dérouler, à toutes les étapes, sous le regard d'une puissance supérieure et bienveillante. Ils fument un petit cristal écrasé mêlé à du tabac qui, je le répète, n'est associé aux drogues dites récréatives par les gouvernements que faute de mieux et pour répondre à l'urgence de conjurer l'irruption de l'essentiel dans l'imaginaire social . Ce n'est pas une drogue dont on puisse incriminer la présence dans le sang de ses adeptes puisque nous l'éliminons dans nos urines chaque jour. Cette substance existe à l'état latent chez tous les mammifères et dans la plupart des plantes. Certains médecins audacieux vont jusqu'à prétendre qu'il s'agit d'un pont moléculaire vers l'autre monde, inclus, comme un code caché, comme la clé d'une anamorphose, dans le tissu de tout ce qui vit.

 

Là, Docteur, vous exigez que je m'interrompe pour préciser au lecteur que vous n'avez jamais entendu parler de cette fameuse glande pinéale ou épiphyse, lorsque vous avez fait vos études de médecine après la guerre. Je m'interromps volontiers pour mettre en cause votre mémoire ou me moquer des auteurs de vos manuels de médecine, parce que ladite glande est décrite par Descartes et connue depuis l'Antiquité. Elle se situe à l'opposé de l'hypophyse entre les deux hémisphères du cerveau, où elle occupe une position centrale. En 1947 la médecine ignorait son utilité, ce qui explique l'impasse dont vous me parlez, et le fait qu'elle n'était pas au programme. Depuis lors les spécialistes lui ont trouvé un rapport avec les rythmes circadiens par le biais de la mélatonine. On sait qu'elle diffuse le DMT à dose massive dans l'organisme lors d'un stress vital. D'où les doses importantes qu'on en retrouve dans le sang des trépassés. Sa sécrétion s'accroît aussi grandement chez les psychotiques. Et l'on commence à se douter que l'extase mystique ne lui est pas étrangère. Le professeur Frecska de l'institut national de psychiatrie et de neurologie de Budapest, est pour sa part persuadé que la présence de DMT dans tout le règne végétal n'est pas un hasard et qu'il existe une correspondance secrète entre l'appel de l'Autre monde et les outils semés dans la nature pour l'atteindre.

 

Le fait d'accroître le taux de DMT dans le flux sanguin permet-il aux shamanes, aux yogis, et aux mystiques chrétiens, notamment par la méditation, d'entrouvrir la porte céleste depuis toujours? Donne t-il accès à l'expérience de l'après-vie sans qu'il y ait danger de passer l'arme à gauche ? Un certain nombre de services de neurologie, contre leurs gouvernements ou après des années de démarches administratives absurdes, ont voulu tenter l'expérience. Voici un condensé de leurs résultats.