Campagnol

Les voitures françaises des années 70 en disaient long sur la puissance du Pays, et celles d'aujourd'hui sur sa faiblesse

Pour qui consent à observer le parc automobile et son évolution depuis trente ans la première chose qui frappe est l'incroyable dérive du système vers le goût clinquant, les chromes, les ellipses, les formes complexes, lourdes, les parebrises interminables, les courbes dodues,les parechocs monumentaux, les optiques de phares géantes qui coûtent le prix d'une semaine à l'hôtel. Quand on compare les anciennes citroën ou les modestes 205, 305, 306 à leurs équivalents modernes on mesure rapidement l'ascendant qu'ont pris, dans les bureaux d'études, les commerciaux sur les esthètes, les ingénieurs sur les commerciaux, et finalement les programmes informatiques sur tout le monde.
Le cas de la 205 est singulier. Voilà une petite voiture qui était, tout comme sa contemporaine la Renault 5, par sa forme,sa consommation, son encombrement, l'épaisseur et le diamètre de ses pneus, la modestie même mais dont la classe traduisait exactement celle du pays qui l'avait produite. Quand on regarde une 205 on comprend que la France de l'époque sait exactement où elle va, qu'elle produit des objets originaux, sobres, efficaces dont le constructeur définit habilement le cahier des charges pour créer un marché. On pourrait en dire autant de la France entière et d'ailleurs pourquoi s'en priver ? Il y a un grand paradoxe quand on compare cette époque et la nôtre. On peut le mesurer sur un parking quand par hasard on voit une 205 garée au milieu des voitures récentes: dans la France de Giscard, qui jouissait d'une position enviable, une position de soliste, au milieu du "concert des nations", les véhicules étaient à la fois modestes, puissants, efficaces et pour la plupart possédaient de la "classe" dans la modestie, tandis qu'aujourd'hui où notre pays est à tant d'égards relégué au rang de troisième violon, les véhicules qu'il produit rivalisent de lourdeur, de prétention, de complexité et semblent à l'affût du marché au lieu de le créer. Ce n'est plus la classe dans la modestie parce qu'on est une grande nation, mais la prétention dans la vulgarité parce qu'on a perdu dix places dans la hiérarchie. Les chromes, l'importance des logos gros comme un ballon de foot,  tout cela semble conçu pour les rues de Shanghai et les nations émergentes comme sur la peugeot 2008 et la gamme Picasso , tandis que la sobre originalité des gens sûrs d'eux, le défaut d'esbroufe malgré une mécanique redoutable se sont réfugiés chez les Allemands, qui, curieusement, ont aujourd'hui la position dominante en Europe et l'une des premières dans le monde.