Campagnol

L'amour des chiens et des chats est un humanisme, et de surcroît qui fait corps avec la culture européenne

On a coutume de se moquer des gens qui échangent des photos de chiens et de chats sur internet, mais il est permis de  souligner aussi que c'est souvent le dernier refuge d'une sensibilité profonde , qui nous vient de l'humanisme européen, qui a multiplié les animaux domestiques sur les tableaux de maître depuis le XIV ème siècle et donc à laquelle nous tenons beaucoup. Ceux qui s'émeuvent devant tout ce qui est mignon, les chiots, les lionceaux, les portées de chats sur les calendriers ou sur internet, ont, en fait, de quoi nous rassurer sur la nature humaine. En tout cas il est permis de préférer ces gens-là à ceux qui ne s'arrêtent jamais à ces enfantillages.Vous savez bien cette catégorie d'esprits forts qui prétendent laisser les animaux à leur place . A cette catégorie méprisante appartiennent les grands révolutionnaires des années 70-80, ceux que vous reconnaissez aujourd'hui à leur voiture de fonction.Ils nous expliquaient en gros à l'époque que lorsqu'on aimait son chien on était suspect d'égoïsme social. Du coup les sketches des années 80 étaient pleins de petits bourgeois  qui s'appelaient mauricette et rené, qui détestaient les gens et qui disaient que les bêtes, au moins, ne les avaient jamais déçus. Je sais que de la part des humoristes de gauche, on me pardonnera ce pléonasme, c'est une caricature inoffensive mais c'était aussi un mensonge qui cachait l'essentiel. De notre côté, enfin je veux dire du côté des gens simples, depuis les années 70, nous avons fait un peu de chemin dans le réalisme à propos des grands donneurs de leçons. Je vous parle des  généreux obsédés par le Tiers monde. Ceux qui parlaient sans arrêt des luttes. Ceux qui voyaient, dans la passion de l'animal domestique, une façon honteuse pour l'Occident de détourner l'amour que l'on devait aux hommes et qui ne supportaient le ton de l'émission 30 millions d'amis. En fait ils ont fini par révéler leur vraie nature vingt, trente ans après. Finalement, ceux qui n'aimaient personne, les tièdes et les méchants c'était eux. Ceux qui vieillissent à l'heure où nous parlons, dans une maison  bien rangée où ne traîne jamais un poil de chien, c'est eux. Quand on trouve ridicule la sensiblerie des gens qui aiment les animaux, en vérité on en dit long sur soi-même . Ils ont tout dit sur eux-mêmes, ils préfèrent, disent-ils, donner de l'argent à un orphelinat lointain plutôt que d'avoir un chien et c'est ce qu'ils ont fait . Mais si par hasard vous assistiez à leur première rencontre avec le gamin qu'ils ont aidé à grandir à l'autre bout du monde, toujours en vous parlant évidemment la main sur le cœur de solidarité et de partage, vous verriez que dans la plupart des cas, ils ne savent  pas  sourire à cet enfant et encore moins lui parler. Tandis que les gens qui aiment les animaux, tous les animaux, même s'ils ne sourient pas plus que les autres , même s'ils ne parlent pas sans arrêt de solidarité la main sur le cœur, ont très souvent  le cœur sur la main et au fond, après tout, on a le droit de les trouver plus fréquentables que les premiers.