Le Figaro & autres

Anaphores et moments forts, les deux mamelles du discours socialiste

L'anaphore, figure de rhétorique traditionnellement réservée aux natures affirmées, aux circonstances solennelles mais surtout aux voix de stentor, aux fronts d'airain et aux formulations irréprochables, connaît une sévère dévaluation depuis que François Hollande a jeté, sur cette forme de martèlement de l'argumentation, son dévolu de candidat puis de président.

Sous la plume d'Emile Zola dans les colonnes de L'Aurore, le procédé, pour être répétitif (c'est même son principe), a été extraordinairement efficace, mais là, verbalement, à la tribune des commémorations de Liège, dans la bouche d'un président en train de surfer sur l'histoire agrippé à son pupitre comme un pilote de jetski, la chose est gênante, fastidieuse, d'autant qu'on a pu entendre des incongruités parfaitement indignes de la circonstance. Dire que l'Europe ne doit pas être «fatiguée de la paix», et le dire, de surcroît, en lisant son papier, c'est fâcheux car cela laisse croire qu'il existe en ce moment des Européens pour souhaiter la guerre, ce qui relève, tout de même, du n'importe quoi. On reconnaît là une habitude typique de notre aimable président, de son premier ministre et de leurs communicants: inventer sans cesse l'apparition de nouveaux loups-garous quand on veut asseoir devant l'opinion sa propre légitimité comme berger des peuples, de la paix, de l'antiracisme, etc. On ira donc jusqu'à prétendre qu'il y a désormais des Européens à qui la paix ne convient plus, énormité dont les commentateurs devraient se saisir avant demain midi, ou alors les mots n'ont plus de sens. Il est vrai que dans un discours (discours écrit, rappelons-le) où l'on relève des phrases comme «aujourd'hui le temps est aussi à être illustres par les actions que nous sommes capables de mener», et qui s'achève par «il y a une obligation d'agir et c'est l'Europe qui doit en prendre les responsabilités», on peut s'attendre à ce que les mots perdent de leur sens au détour de chaque phrase. En attendant on se met à la place des traducteurs en flamand qui n'ont pas mérité pareille épreuve.