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Le nucléaire supporte si mal le soleil que nous avons lieu de craindre une insolation nucléaire

La Terre a connu, pendant l'été 2012, une menace biblique qui n'a pas reçu l'écho auquel on aurait pu s'attendre, mais depuis l'Arche de Noé le monde a l'habitude de traiter la perspective du Déluge à la légère.Il est vrai que la tempête de particules solaires qui s'est déchaînée cette année-là n'a rien provoqué d'observable dans les transformateurs mais si la Terre s'était trouvée dans la fenêtre où l'éternuement de notre étoile était capable de nous atteindre, il ne nous aurait pas seulement atteint : il nous aurait mis à genoux.

Il s'en est fallu de dix jours. Une série d'aurores boréales ravissantes mais annonciatrices de pannes épouvantables se serait manifestée . La lecture des emails et le fonctionnement des satellites auraient été affectés. Jusque là, dira t-on, rien qui excède les désagréments d'une journée orageuse. Eh bien, justement si : cet événement aurait dépassé tout ce que nous avons connu dans l'histoire en matière d'apocalypse.

Les systèmes de transmission, le répérage GPS, le guidage des avions, les téléphones et télévisions numériques, se seraient mis en rideau, en carafe, en rade de façon plus ou moins longue et permanente. C'est effrayant, mais pas pour les raisons qu'on nous donne.
Examinons les autres. Quand on nous raconte qu'un pépin de cette envergure "coûterait mille milliards de dollars et que le monde développé mettrait dix ans à s'en remettre", on se moque de nous. En vérité, s'il est aussi grave que celui auquel la NASA prétend que nous venons d'échapper, l'Occident aura les pires difficultés à se remettre d'un orage magnétique même en trois siècles. Notre réseau d'approvisionnement électrique en toile d'araignée, celui que nous pouvons observer sur les photos prises en orbite pendant la nuit terrestre est susceptible de disjoncter partout en même temps, nos transmissions ethernet de devenir inutilisables, notre système nerveux d'entrer en convulsions. L'électronique et l'électricité en général sont au cœur de tous nos réseaux de sécurité, alarmes, vannes, portes, guichets, ce qui pour commencer nous infligerait des mésaventures comme le fait de ne plus pouvoir quitter son labo, son étage, son garage ou son ascenseur, de devoir renoncer à sa voiture, à son ordinateur, à son téléphone, à sa télévision. Plus d'avions, plus de trains. Le tout à l'échelle de deux ou trois continents et quasi-simultanément. L'acheminement des produits alimentaires deviendrait impossible . Sur deux semaines c' est déjà fâcheux mais, sur deux trimestres, cette situation nous expose aux sept plaies d'Egypte. Les boîtiers d'allumage feraient défaut sur les groupes électrogènes de secours, lesquels fonctionnent au fuel, sur des réserves qui s'épuiseront, réserves qu'il faudra reconstituer auprès de raffineries elles aussi truffées d'électronique, donc en panne, et qui, de toute façon, ne recevront plus de bateaux puisqu'ils seront impossibles à guider, à contacter en mer, à pomper à quai.

« Heureusement », nous disaient, il y a deux ans, les commentateurs de l'accident de Fukushima, « les groupes électrogènes de secours sont là pour refroidir les piscines protégeant le combustible radioactif en cas de défaut de l'alimentation principale ». C'est là qu'on s'aperçoit que le débat sur le nucléaire fait l'impasse sur les trois-quarts du problème. Au Japon, deux piscines sont déjà une catastrophe mondiale mais que faire si elles sont mille, réparties sur tout l'hémisphère nord et si elles commencent à bouillir ?

 

En cas d'arrêt des réacteurs (58 en France, 450 dans le monde) par défaut d'alimentation électrique continentale, on peut espérer que le cœur aura échappé à la fusion mais il est probable que, faute de refroidissement, les piscines radioactives seront vaporisées et que le zirconium des tubes explosera. Il n'y aura donc plus un coin d'Europe épargné par le césium 137. En trois ans la nature reprendra ses droits contre nous, sauf peut-être en Afrique Centrale et en Australie comme le montre cette carte (http://www.statistiques-mondiales.com/reacteurs_nucleaires.htm), en admettant que ces deux continents soient protégés d'une irradiation atmosphérique, ce qui n'est pas certain.

 

Il y aura encore des matins d'hiver et des soirs d'été, des fontaines qui chantent, des ruisseaux qui scintillent, du vent dans les arbres, mais sans nous.

 

La probabilité de tout cela? Elle n'est pas nulle et c'est déjà énorme.