Le Figaro & autres

L'Elysée hanté par le démon de la trivialité

Nous sommes encore nombreux à avoir connu le privilège, au temps où il existait une garden-party de l'Elysée, de prendre des notes assis sur les marches du perron afin de publier ce qu'on appelait des choses vues. L'époque est plutôt, hélas! à la publication des choses entendues.

En tout cas l'image du Président ficelé comme une paupiette, l'autre soir, dans son petit costume, en train de commenter «la prestation des Bleus» m'a rappelé l'existence de ce grand écran, dressé dans la salle d'apparat encombrée de chaises dorées, sur lequel on voyait l'auguste Chirac recevant le présentateur de la première chaîne devant son bureau le 14 juillet. L'entretien était diffusé en direct, à l'étage en- dessous, pour un public d'amiraux retraités, d'anciens présidents à la Cour de cassation, d'attachées de presse et de lauréats du concours général. Après le déjeuner les amiraux nonagénaires revenaient épuisés s'abattre sur les mêmes chaises dorées pour suivre d'un œil exaspéré un épisode de «Walker Texas Ranger» en attendant leur femme ou leur nièce qui faisaient des grâces à un ancien ministre. C'était comme si le Titanic de la mémoire française avec ses solennités républicaines, ses cordons dorés, ses cols serrés, ses pantalons à rayures, sa vaisselle signée, ses poignées de cuivre et ses cloches à gigot soulevées par des «meilleurs cuisiniers» venus du pays entier, avait été noyé par le tsunami du commerce et du divertissement californien.

Eh bien l'autre soir en écoutant le Président livrer son sentiment sur le «travail du sélectionneur» tout en établissant des parallèles douteux avec sa propre tâche sur le ton d'une conversation de plateau, on avait l' impression que le démon de la trivialité était encore accroché aux rideaux de ce salon maudit.