A l’âge de douze ans, Constance Domeneghini conçut une honte mortelle de sa famille. Adolescente, elle eût parfois souhaité être laide, et ne pas posséder cette grâce qui la faisait partout remarquer, tant elle méprisait la stupide fierté de sa mère qui répétait ” c’est une vraie princesse, cette petite! ”
. Quant au père, un modeste ingénieur en électricité, il adorait lui aussi cette enfant, avec tant de naïve ferveur que Constance avait fini par lui trouver, malgré sa maigreur, une ressemblance avec l’acteur Raimu qu’elle avait vu deux fois dans des films de Marcel Pagnol, au ” Régent ” de la rue d’Isly.
Tout cela se passait à Alger. Ce détail revêt quelque importance si l’on songe que la société locale, en cette fin des années quarante, n’était occupée que d’elle-même, et que la présence d’une perle comme Constance au sein de la médiocre famille Domeneghini, déjà difficilement tolérée parmi les gens ” bien “, ne pouvait être perçue que comme une anomalie génétique. Il est d’ailleurs possible que le père Domeneghini ait poussé la ressemblance avec les cocus de Pagnol jusqu’à élever une enfant qu’il n’avait point faite; mais rien, sauf, peut-être, le genre de son épouse qui se prenait pour Rita Hayworth et qu’on eût prise pour une femme de ménage, ne permettait au fond de le supposer.
Le fait que Constance fût une enfant d’Alger présentait un autre inconvénient dont elle prit conscience un peu plus tard: elle était une provinciale, une ” pied-noir”, encore que le terme ne fût guère employé à cette époque. Elle dut affronter cette révélation au début de l’été 1946 en débarquant à Paris chez Mme Boutrilleux, sa tante, veuve d’un colonel tué durant la guerre à Tripoli. C’était le premier voyage que Constance eût jamais accompli hors de sa terre natale. Elle avait dixhuit ans, et se préparait à prendre une inscription en propédeutique à la Sorbonne.
A la fin du mois de juin, la générale Bollinger, une amie de sa tante qui donnait un bal pour ses deux filles, eut tardivement l’idée d’y inviter la jeune Domeneghini, dont les mérites lui avaient été vantés par la femme de ” ce pauvre Boutrilleux “, et qu’elle désirait enfin connaître.
La jeune fille refusa aussitôt, en déclarant qu’elle ne voulait à aucun prix s’infliger le ridicule de passer pour la cousine de province; à quoi sa tante, au lieu de lui démontrer qu’une fille comme elle, aussi belle et bien élevée, ne devait craindre aucun ridicule, se contenta de répondre avec malice: ” C’est à cause de ton accent, je le vois bien. ”
Ce soir-là, Constance, mortifiée, versa quelques larmes dans sa chambre: I’idée qu’elle pût avoir l’accent d’Alger ne l’avait jamais effleurée.
Cet épisode eut au moins pour effet de l’inciter temporairement à la réserve en société. Lorsque, plus tard, sa tante ayant obtenu qu’elle acceptât de prendre le thé chez la générale, Constance fut enfin présentée aux filles de la maison, on prit cette instinctive prudence pour de la timidité, ce qui la servit sans doute. Les filles Bollinger étaient laides, et sans la modestie de son maintien, Constance les eût peut-être off
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