Campagnol

La France qui le vaut bien contre la France qui ne vaut plus rien

Il existe une chose qui différencie à jamais ce qu'on appelle les gens simples des gens qui ne le sont pas, c'est le rapport aux tâches les plus banales de la vie.

Il existe certes des bourgeois et des aristocrates qui  font la vidange de leur voiture, encore qu'ils soient assez rares, mais ils ne le font pas par nécessité. Tandis que ceux qui ont du mal à vivre sont obligés de faire de leurs mains une foule de choses qui dévorent leur emploi du temps. Le manque d'argent les oblige à un rapport permanent avec la réalité . Déjà ils en connaissent le prix. On a vu que ce n'était pas toujours le cas chez les politiques qui vous disent qu'un ticket de métro vaut quatre euros. Et puis les mille astuces que l'on déploie pour dépenser moins ont donné aux pauvres cette espèce d'intelligence de la débrouille qui permet de rester digne au milieu des humiliations et qui est la source d'une véritable profondeur.  Mais il y a aussi chez eux de la colère, de l'impatience. Au fil des années, quand on n'a jamais connu l'aisance, quand on a toujours roulé dans une voiture d'occasion, quand on fait ses réparations soi-même, quand on a bricolé sa propre véranda, on supporte de moins en moins ceux qui qui veulent de la qualité , de la marque, du service après-vente, et qui n'ont jamais ouvert un capot, un ordinateur, un thermostat. En gros je vous parle là de la France d'Emmanuel Macron, celle qui ne lave pas ses chemises et qui met tout au pressing.Même et surtout ses idées. Elle est en train de se heurter à l'autre France celle de Campagnol dont les idées politiques sont de plus en plus difficiles à repasser. Eh oui, à force de tout abstraire, de tout déléguer, de tout acheter tout fait, tout prêt, tout neuf, tout garanti, la France de Macron a perdu l'essentiel de la philosophie de la vie qui est justement le recueillement que l'on éprouve devant les tâches les plus humbles quand on se dit je valais mieux que ça mais tant pis, il faut bien que quelqu'un le fasse. Du côté des élites, quand on jouit d'un privilège on se dit au contraire "c'est parce que je le vaux bien" et c'est curieux, mais quand cette campagne de pub l'Oréal battait son plein à la télé, j'ai entendu plusieurs fois des gens simples déplorer cette véritable obscénité morale et dire textuellement « elle le vaut bien mais pour qui elle se prend cette connasse ? ». Pour la première fois depuis longtemps depuis la guerre, depuis l'abbé Pierre, les gens commencent à comprendre qu'il faut envoyer au parlement non des gens qui le valent bien, mais les représentants de ceux qui ne valent plus rien, de la France dévaluée.