La cour d'une grande ambassade européenne, lumière du soleil, hautes fenêtres, palais historique. Au  
centre de la scène, la statue modernissime d'un cheval grossièrement assemblé de pièces qu'on dirait  
arrachées à une carrosserie de voiture, d'un bleu agressif.   

EXT. SCÈNE COUR AMBASSADE

Augustin Monsoreau traverse la cour suivi de l'écrivain. Il est arrêté devant la statue du cheval par deux  
femmes portant chacune un dossier.

ALICIA FERRARA
Il faut aussi que vous alliez signer sur les deux autres registres qui sont restés dans mon bureau.
(S'adressant à l'écrivain)
Bonjour désolée de vous le distraire trente secondes mais c'est urgent

AUGUSTIN MONSOREAU
(jeune homme bien vêtu vaguement féminin désigne  
son visiteur)
Monsieur Féridon vient d'arriver, vous savez qu'il prend la direction de la villa Paloma.

ALICIA FERRARA
Enchantée, Alicia Ferrara, je travaille pour le secrétariat général de l'ambassade le bureau à gauche là et je vous l'arrache  
une minute c'est urgent. Sylvie Hirzl notre stagiaire.
( Elle attire Augustin Monsoreau vers le bureau,  
revient prendre un dossier oublié entre les mains de  
la stagiaire, laquelle se retrouve seule avec l'écrivain  
Féridon)

L'ECRIVAIN FERIDON
Mademoiselle. Vous êtes de la famille du ministre Hirzl?

SYLVIE HIRZL
Je suis sa nièce.

L'ECRIVAIN FERIDON
(se penchant sur la plaque à la base de la statue)

Compliments. Ce cheval bleu jure un peu avec la façade non?  

SYLVIE HIRZL
Personnellement je. Je ne trouve pas. Je veux dire je ne le trouve pas tellement bleu, enfin ça ne me choque pas je veux dire,  
ça ne me fait rien . Le nom de l'oeuvre est Cheval Rose d'ailleurs.

L'ECRIVAIN FERIDON
Mais vous avez raison je n'avais pas lu. Voilà qui change tout.

SYLVIE HIRZL

Je vous laisse, le Conseiller culturel a déjà fini.

(aux deux femmes)
A bientôt Alicia, à bientôt Mademoiselle.
(Une autre femme fait son apparition dans la cour, la  
commissaire d'exposition)
Ah tiens venez Agatha que je vous présente notre nouveau directeur de la villa Paloma. Maurice a été prévenu qu'on doit  
attendre l'émissaire du président à l'aéroport une heure avant le cortège ? L'ambassadeur ne peut pas y aller lui-même il est  
attendu à la télévision de toute façon le président est là pour très peu de temps il file directement au palais du gouvernement.
(à l'écrivain Féridon)
Figurez vous que le Président de la république a décidé de débarquer ensuite au milieu de l'inauguration de l'expo nous  
courons à la catastrophe rien n'est prêt.
(La commissaire d'exposition s'est approchée, il la  
prend par l'épaule)
Heureusement Agatha réalise un travail remarquable au niveau des plasticiens en résidence, Agatha si vous voulez nous en  
dire davantage.

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LA COMMISSAIRE D'EXPOSITION
A quel niveau.

AUGUSTIN MONSOREAU
Au niveau des plasticiens en résidence.

LA COMMISSAIRE D'EXPOSITION
(désignant un jeune homme frêle en noir à côté d'elle)
Didier mon assistant.
(visiblement l'assistant plait beaucoup à Augustin  
Monsoreau qui lui inflige une danse de séduction  
pendant qu'elle parle)
C'est à dire que le dispositif se décompose en une série d'installations qui investissent complètement le champ de la  
perception visitoriale. Il y aura comme ça un jeu avec les repères, un décalage à la fois évident et caché et tout est déjà placé  
sous l'égide du cheval rose symbole récurrent et pour ainsi dire prégnant dans toute la communication de l'expo . Quatre  
jours, on attend vingt mille visiteurs minimum, concours de la ville, du département des arts plastiques budget trois millions,  
c'est du lourd mes enfants c'est du lourd. La presse nationale est dans le coup evidemment. Bon j'apprends ce matin que la  
visite du président coïncide. C'est parfait bon. Le président hein on en pense ce qu'on veut mais ça ajoute un plus. Et moi si  
l'occasion se présente je n'hésiterai pas à lui dire que j'ai pas voté pour lui .

L'ECRIVAIN FERIDON
Il n'est pas certain que l'occasion se présente et d'ailleurs peut-être qu'il s'en moque.

LA COMMISSAIRE D'EXPOSITION
Vous voulez dire vous voudriez dire qu'il n'assistera pas à l'inauguration ?

L'ECRIVAIN FERIDON
Non je veux dire il se moque peut-être que vous n'ayez pas voté pour lui. Quant au reste vous avez raison. Le cheval bleu  
n'est pas l'objet de sa visite dans la capitale. D'ailleurs comme vous le savez il n'habitera pas à l'ambassade mais chez nous  
villa Paloma.

LA COMMISSAIRE D'EXPOSITION
(se tournant vers Augustin Monsoreau)
On m'a fait de vous un portrait incomplet.

L'ECRIVAIN FERIDON
Je n'ai pas le temps de le compléter on m'attend dans l'autre cour. Tenez voici ma carte en attendant.
(Il donne sa carte et s'en va)

SCENE COUR AMBASSADE

LA COMMISSAIRE D'EXPOSITION

Armand Feridon. D'où vient il?

AUGUSTIN MONSOREAU
C'est un écrivain classé comme réactionnaire.

LA COMMISSAIRE D'EXPOSITION

Vous voulez dire un raté. En attendant le président va habiter chez lui.

AUGUSTIN MONSOREAU
Mais non c'est annulé il l'ignore encore mais finalement le président rentre ce soir, son avion l'attend jusqu'à minuit.

LA COMMISSAIRE D'EXPOSITION
Il faut absolument qu'il soit là pour l'inauguration. Tu n'imagines pas l'écho à Paris. Je connais au moins deux grandes galeries  
qui me téléphoneraient dès le lendemain pour reprendre Cheval Rose sous contrat.

AUGUSTIN MONSOREAU
Cela m'étonnerait que le Président assiste à l'inauguration.

LA COMMISSAIRE D'EXPOSITION
Pourquoi ce n'est pas assez bien pour lui ?

AUGUSTIN MONSOREAU
Il vient en visite officielle pour voir le président de la république de ce pays ci. Il n'est obligé à rien. En plus Cheval rose n'est  
pas tellement son genre.
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LA COMMISSAIRE D'EXPOSITION
De plus il s'est mis la profession à dos en réduisant les subventions à tout le secteur de la création.

AUGUSTIN MONSOREAU
Chut l'ambassadeur arrive avec notre écrivain.

LA COMMISSAIRE D'EXPOSITION
Et la femme qui est-ce?

AUGUSTIN MONSOREAU
C'est l'épouse de l'ambassadeur. Didier vous avez un instant je peux vous parler ?

LA COMMISSAIRE D'EXPOSITION
Alors c'est elle .

AUGUSTIN MONSOREAU
Ecoute Agatha il vaut mieux que l'ambassadeur ne te voie pas ici il est énervé contre l'expo il dit que ça coûte cher.

LA COMMISSAIRE D'EXPOSITION
Mais est-ce que c'est son argent? On a fait une fondation non ? Et puis lors du dîner avec mes artistes il a paru très au  
courant très en phase, très en prise avec les tendances émergentes

AUGUSTIN MONSOREAU
Je t'emprunte Didier on se voit tout à l'heure.

SCENE COUR AMBASSADE

AUGUSTIN MONSOREAU
Monsieur l'Ambassadeur, Madame, la voiture sera là tout de suite. Le producteur de l'émission vous attend dans sa propre  
voiture.

L'AMBASSADEUR
Très bien, précédez moi avec ma femme je vous prie.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Je vous demande pardon mais quel producteur?
(se tournant vers l'écrivain)
Bonjour Monsieur.

L'AMBASSADEUR
Monsieur Féridon est le nouveau directeur de la villa Paloma.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
J'adore cet endroit. On peut y rêver en regardant la ville.

L'AMBASSADEUR
(geste expéditif)
Augustin?

AUGUSTIN MONSOREAU
Tout de suite.

L'AMBASSADEUR
(à l'écrivain)
Mon ami j'ai un service à vous demander.

L'ECRIVAIN FERIDON
Vous me flattez.

L'AMBASSADEUR
Vous avez pu observer ou bien quelqu'un vous a dit que ma femme perd un peu la mémoire ce qui peut être gênant en  
certaines circonstances.

L'ECRIVAIN FERIDON
Je vous comprends.

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L'AMBASSADEUR
Si vous me comprenez vous accepterez de recevoir ma femme à la villa Paloma pendant la visite officielle du Président.

L'ECRIVAIN FERIDON
Mais ce n'est pas un peu gênant de la soustraire aux réjouissances ? Et puis je n'ai plus de place, j'ai des artistes en  
résidence.

L'AMBASSADEUR
Des plasticiens

L'ECRIVAIN FERIDON
Oui enfin des artistes et parmi eux l'auteur du cheval bleu le fameux Balordo qui est arrivé il y a deux heures, que j'ai à peine  
croisé lors d'une conférence et qui a déjà exigé que nous lui trouvions une chambre d'hôtel parce qu'il n'aime pas sa chambre.

L'AMBASSADEUR
Rose. Non je dis rose le cheval.

L'ECRIVAIN FERIDON
Où avais-je la tête.

L'AMBASSADEUR
On m'a dit que vous connaissiez notre Président.

L'ECRIVAIN FERIDON
J'étais son voisin à l'école et je ne l'ai plus revu jusqu'à mes cinquante ans sauf à la télévision comme tout le monde.

L'AMBASSADEUR
Je serais heureux que sa visite se passe bien.

L'ECRIVAIN FERIDON
Je ne vois pas pourquoi elle se passerait mal.

L'AMBASSADEUR
Je serais soulagé de voir ma femme rester chez vous ce soir, et par ailleurs si vous pouviez éviter de parler de cheval bleu en  
ma présence cela m'arrangerait.

L'ECRIVAIN FERIDON
Il est bleu, qu'y puis-je

L'AMBASSADEUR
Je ne veux rien entendre.

***

SCENE COUR AMBASSADE

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR

Monsieur ? il me semble que nous avons été présentés?

L'ECRIVAIN FERIDON
C'est possible en effet Madame.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Cela va vous paraître surprenant mais je ne sais plus ce que je suis venue faire ici.

L'ECRIVAIN FERIDON
Je vais vous surprendre aussi mais il m'arrive de me dire que moi non plus.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Je suis la femme de l'ambassadeur.
(lui tend la main)

L'ECRIVAIN FERIDON
Enchanté Madame. Je suis Armand Féridon

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
J'ai entendu parler de vous je ne sais plus quand mais en termes flatteurs je le précise.

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L'ECRIVAIN FERIDON
Alors vous devez confondre avec quelqu'un d'autre.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Ne soyez pas modeste. Par exemple moi je ne suis pas modeste. J'ai été une femme très belle et je suis très intelligente.

L'ECRIVAIN FERIDON
(désignant d'un geste l'ambassadeur qui approche)

C'est sans doute pourquoi on vient vous chercher avec tant empressement.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Nous nous reverrons très vite. Il faudra que je vous présente à mon amie Suzanne qui est arrivée hier.

L'ECRIVAIN FERIDON
Mais j'y compte madame et je m'en réjouis.

L'AMBASSADEUR
(essoufflé)

Nous vous cherchions de l'autre côté.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Vous ne m'avez pas trouvée car j'étais de ce côté-ci.

L'AMBASSADEUR
Il faut y aller.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Où va t-on?

L'AMBASSADEUR
Vous le saurez dans la voiture. Et vous Monsieur Féridon songez à ce que je vous ai dit nous en reparlerons dès ce soir.

SCENE COUR AMBASSADE SEUL DEVANT LE CHEVAL

L'ECRIVAIN FERIDON

Dans les cauchemars il y a toujours un moment où l'on doit subir des choses absurdes sans pouvoir en parler à personne et  
ce moment est arrivé. Comment ai-je pu accepter de diriger cette maudite villa. Je ne dis pas pourquoi l'ai-je fait, je sais  
pourquoi, personne ne voulait publier mes articles, je commençais à demander crédit à mon dentiste, il fallait donc faire  
quelque chose mais j'ai fait ce qu'il y avait de pire  . J'ai accepté ce poste pour éviter de vendre ma maison, or je vais le quitter  
à peine arrivé et ma maison sera vendue quand même. C'est  dans une soupente que j'affronterai, demain, les moqueries de  
mes ennemis. C'est décidé j'attends le dîner, je salue le président et je m'en vais, comme ça, par le premier avion, sans  
indemnité, sans rien.  

(entrent soudain dans la cour Augustin Monsoreau,  
l'attaché culturel, et Didier, le stagiaire de la  
commissaire d'exposition. L'écrivain se cache  
derrière le  cheval)

SC COUR AMBASSADE, AUGUSTIN ET STAGIAIRE

AUGUSTIN MONSOREAU
Excuse moi de te promener ainsi mais je ne voulais pas que le secrétariat entende ce que j'avais à te dire.

DIDIER
Je ne vais pas pouvoir rester, Agatha doit me chercher.

AUGUSTIN MONSOREAU
Une place va se libérer villa Paloma le mois prochain, quitte Agatha et reste dans cette ville c'est le moment.

DIDIER
Mon travail à la galerie d'Agatha me convient pour l'instant.  

AUGUSTIN MONSOREAU
Agatha n'a rien vu venir mais elle est grillée.

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DIDIER
Qu'est ce qu'elle aurait dû voir venir?

AUGUSTIN MONSOREAU
Le président de la république qui débarque au moment du vernissage. Pour elle c'est une catastrophe et pour toi aussi

DIDIER
Mais au contraire, je.

AUGUSTIN MONSOREAU
Ecoute-moi.Un président est toujours suivi de chefs d'entreprise .  

DIDIER
Oui mais.

AUGUSTIN MONSOREAU
Dans ton dos depuis deux semaines les compagnies qui contribuaient sans le savoir au financement de l'expo Cheval Rose  
intriguent pour caser leur Directeur Général dans les bagages du président.Certains des contributeurs seront présents.

DIDIER
Mais je le sais c'est moi qui les relance depuis un an

AUGUSTIN MONSOREAU
Nous ne parlons pas des mêmes contributeurs. Toi tu penses que c'est le responsable de la communication des laboratoires x  
ou y qui va venir, moi je te parle du patron de la maison qui a réussi à prendre l'avion présidentiel et qui va découvrir, en  
inaugurant l'exposition, ce que sa filiale dans ce pays fait de ses budgets.

DIDIER
Où est le problème?

AUGUSTIN MONSOREAU
Attends Didier nous venons de faire monter l'optique d'un phare maritime de quatre tonnes au plafond d'une salle d'armes du  
seizième siècle, parce qu'un de vos artistes a décidé qu'une estrade aurait un côté mesquin.  
Nous avons fait assembler une voiture américaine avec feu rouge et passage clouté dans les sous-sols du palais sous nos  
pieds. Vous avez fait tendre des draps blancs pour refléter la lumière d'un néon bleu sur les dix-huit mètres de la fresque la  
plus célèbre d'Europe et sur la façade sont projetés des squelettes avec un rayon laser bleu lui aussi mais il faut dire que tout  
est rose et il faut que la presse consente à cette imposture. Je suis comme toi je trouve que plus c'est énorme et plus ça  
passe. Mais ne me fais pas le coup de la pureté s'il te plaît.

DIDIER
Quel genre de poste va se libérer à la villa?

AUGUSTIN MONSOREAU
Coordinateur de la programmation.

DIDIER
Le directeur sera d'accord?

AUGUSTIN MONSOREAU
Il est en sursis comme tout le monde. Comme le président de la république, lui-même, qui va devoir affronter l'opinion. Sa  
popularité s'effondre, Agatha et toi vous allez d'ailleurs y contribuer quand les habitants de notre beau pays vont voir ce qu'on  
accroche au plafond des ambassades pendant qu'ils peinent à garder leur salaire. Agatha souhaite que le président assiste à  
l'inauguration, elle s'en réjouirait presque, mais elle n'a rien vu venir cette idiote.

DIDIER
C'est toi qui as insisté pour que nous présentions ici, avec le concours des plus grandes entreprises nationales les artistes les  
plus signifiants du marché. Cheval rose est ce qu'on fait de mieux en ce moment.

AUGUSTIN MONSOREAU
Qui t'a dit cela?

DIDIER
Je ne sais pas mais tout le monde est d'accord.

AUGUSTIN MONSOREAU
Allons. Tu vas signer avec moi un pacte secret, une conjuration, nous valons mieux que ce cirque mais nous allons en  
profiter tu vas voir. Je ne crois pas à ta vertu. Je ne crois pas à la vertu en général. Quitte Agatha pour t'installer villa Paloma  
grâce à moi.

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DIDIER
C'est toi qui as insisté pour monter Cheval Rose. Tu as déclaré que c'était une oeuvre majeure.

AUGUSTIN MONSOREAU
J'ai écrit les textes afin que l'Ambassadeur déclare que c'était une oeuvre majeure mais je n'ai rien signé. Allons soyons amis  
tu ne le regretteras pas. Donne moi ta main.

DIDIER
Je n'aime pas les conjurations.

AUGUSTIN MONSOREAU
Mais si tu as un pouls de conjuré.

DIDIER
Agatha est une femme d'exception.

AUGUSTIN MONSOREAU
Cette folle obsédée par les réactionnaires . En d'autre temps les aurait fait torturer pour qu'ils abjurent. Mais toi tu n'es pas un  
orthodoxe c'est cela que j'aime en toi.
(On entend des pas)
Agatha est en train de promener la presse vas-y, précède-les dans les caves, fais le tour de la voiture américaine, dis-leur  
que l'artiste touche au coeur de nos préoccupations, enfin comme tu sais faire.
(Il s'en va côté cour, le jeune Didier redresse sa  
cravate et se compose une dignité, regarde du  
même côté, pendant que l'écrivain Féridon quitte  
l'arrière de la statue et s'éloigne à l'opposé )

SCENE COUR AMBASSADECOUR AMBASSADE LA COMMISSAIRE D'EXPO, L'ARTISTE, LA PRESSE

LA COMMISSAIRE D'EXPOSITION
C'est une installation multilocalisée. L'artiste et ses hôtes revisitent ce corps de légendes que représente ce Palais fermé pour  
l'ouvrir à tous les vents de la création, de fond en combles de la cave au grenier.

UN JOURNALISTE
Ca a coûté combien.

LA COMMISSAIRE D'EXPOSITION
De grâce pas ce genre de questions en présence de l'artiste.

UN JOURNALISTE
Si l'artiste pouvait nous laisser un instant j'aimerais connaître les chiffres.

LA COMMISSAIRE D'EXPOSITION
(Didier apparaît)
Didier vous donnerez à ce monsieur les concours de la Fondation nous avons une feuille.

UN JOURNALISTE
Non je voudrais le chiffre global.

LA COMMISSAIRE D'EXPOSITION
L'essentiel est quand même d'interroger l'artiste nous sommes ici pour cela.

UN JOURNALISTE
A quel niveau se situe son intervention.

L'ARTISTE BALORDO
A tous les niveaux
Au niveau du sous sol, au niveau de la cour et même dans les étages.

UN JOURNALISTE
Mais par exemple cette voiture américaine qui est une oeuvre de votre complice, André Jérome Adhémar Zeller, pourquoi  
l'avoir mise dans les caves ?

L'ARTISTE BALORDO
(il rit)
Parce qu'elle entretient un rapport souterrain avec mon travail.

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LA COMMISSAIRE D'EXPOSITION
Il est ainsi c'est un enfant génial.Je crois que nous allons faire une visite plus complète ensuite je vous montrerai les schémas  
d'éclairage de la façade.

UN JOURNALISTE
Votre président de la république assistera à l'inauguration.

LA COMMISSAIRE D'EXPOSITION
Lui et peut-être son homologue auront la primeure de l'installation sous la fresque, un dispositif audacieux; une proposition  
surprenante qui permet de voir en rose le plafond de la galerie baroque.

UN JOURNALISTE
On peut jeter un coup d'oeil?

LA COMMISSAIRE D'EXPOSITION
On y va. Vous travaillez pour quel support?

UN JOURNALISTE
Un journal.

LA COMMISSAIRE D'EXPOSITION
Lequel?

UN JOURNALISTE
Non ce que je veux dire c'est qu'un journal n'est pas un support.

LA COMMISSAIRE D'EXPOSITION
Mais bien entendu. Montons à la galerie. Pas de question sur le cheval rose?

UN JOURNALISTE
Si. C'est exprès qu'il est bleu?

UN AUTRE JOURNALISTE
Balordo sait jouer admirablement avec les codes, il nous a habitués à un humour sans illusion.

UN JOURNALISTE
Je suis moins habitué que vous mais je promets de faire un effort.

LA COMMISSAIRE D'EXPOSITION
Nous allons monter à la galerie baroque si vous voulez bien.

UN JOURNALISTE
Que pense l'ambassadeur des protestations qui commencent à se manifester çà et là à propos de l'éclairage du palais, des  
squelettes au laser et de tout cela ?

LA COMMISSAIRE D'EXPOSITION
L'artiste accompagné de ses artistes invités et de ses co-intervenants est allé présenter son projet au maire de cette ville il y  
a quinze jours. Je n'ai pas eu connaissance de protestations.

UN JOURNALISTE
La presse était sévère avec le projet.

LA COMMISSAIRE D'EXPOSITION
Bah C'est comme ça que vit la démocratie.

UN JOURNALISTE
Une camionnette hérissée de banderoles est garée devant l'ambassade

LA COMMISSAIRE D'EXPOSITION
Mais non elle protestait contre la présence de notre pays au Burlighistan. Nous l'avons fait enlever ce matin.

UN JOURNALISTE
C'est comme ça que vit la démocratie?

LA COMMISSAIRE D'EXPOSITION

Montons.A moins que vous ne vouliez voir les caves d'abord oui c'est mieux Didier vous voudriez emmener nos amis  
journalistes dans les caves avec l'artiste.

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UN JOURNALISTE
Et est-ce qu'un événement est prévu sur la façade de la villa Paloma.

LA COMMISSAIRE D'EXPOSITION
Le nouveau directeur vient d'arriver le voici vous n'avez qu'à l'interroger.

DIDIER
(à la Commissaire d'exposition)

Je ne comprends pas pourquoi vous ne venez pas avec nous pour la visite de presse.

LA COMMISSAIRE D'EXPOSITION
La femme de l'ambassadeur revient avec son chauffeur. Je vais voir ce qui se passe je vous rejoins

SCENE COUR AMBASSADE FEMME DE L'AMBASSADEUR ÉCRIVAIN

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Finalement mon mari ne tenait pas à ce que j'aille à la télévision avec lui,il m'a abandonnée. J'étais assise là,je cherchais mon  
carnet dans la voiture je note tout dans un carnet comme ça je me souviens de ce que j'ai fait parce qu'il m'arrive d'oublier des  
choses. Enfin c'est ce qu'on me dit.Je regardais entre le siège et le dossier. Mon mari a quitté la voiture et il est parti avec le  
producteur de l'émission parce qu'il était en retard et qu'il ne voulait pas me voir dans le studio je ne sais pas. Il se peut qu'il y  
ait une autre raison que j'ai déjà oubliée. En tout cas il est parti devant moi. Un affront. Devant le chauffeur en plus. Ce  
chauffeur m'énerve. Il n'a pas trouvé le carnet évidemment.
(au chauffeur, en criant de loin)
Rentrez chez vous je vous ai dit, ce n'est pas la peine de chercher, je trouverai ce carnet moi-même  
(revenant à ses interlocuteurs)
c'est agaçant à la fin ces choses qui disparaissent, pour éviter qu'elles disparaissent je les mets en sûreté, mais comme je ne  
me souviens plus où elles sont elles redisparaissent.
(se retourne vers l'écrivain)
J'ai décidé d'habiter villa Paloma pendant la visite du président et l'on m'a dit que vous connaissiez le directeur.

L'ECRIVAIN FERIDON
C'est moi madame, le Directeur.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Mais quelle coïncidence.Vous savez que je m'entendais très bien avec votre prédécesseur dont j'ai oublié le nom, là.  
Monsieur l'ambassadeur, enfin mon mari vous a sans doute dit qu'il voudrait que je m'installe chez vous pour ne pas lui faire  
honte pendant la visite du président et c'est ce que je vais faire mais il faut que j'attende l'arrivée de mon amie Suzanne.

L'ECRIVAIN FERIDON
On installe vos bagages en ce moment dans la chambre laissée libre par l'artiste.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Quel artiste.

L'ECRIVAIN FERIDON

Nous avons un artiste qui préfère habiter à l'hôtel ça tombe bien.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Ah oui un artiste.Quel artiste?

L'ECRIVAIN FERIDON
Celui du Cheval.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR

Quelle chambre ?  

L'ECRIVAIN FERIDON
La chambre aux colonnes avec sa terrasse.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Ah oui c'est justement celle que je préfère.Et Suzanne où la mettra t-on

L'ECRIVAIN FERIDON
Si votre amie devait arriver nous pourrions la loger aussi.

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LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Vous me prenez pour une folle mais je pourrais vous en raconter sur mon mari. Il a un cancer très grave. Je lui survivrai . Les  
gens qui perdent la mémoire n'ont pas de soucis . Et comme ils n'ont pas de soucis ils ne meurent pas car la première chose  
qui vous rapproche de la mort c'est la crainte de mourir . L'insouciance vous en éloigne et regardez comme je suis  
insouciante, hop
(virevolte)
.Tandis que lui il se souvient sans cesse, parfois vous le voyez devenir tout gris au milieu d'une phrase c'est comme si la mort  
passait là-bas au fond de la pièce et lui disait je repasserai. On se voit tout à l'heure.Ciao-ciao.
(parodie de saluts coquets)

L'ECRIVAIN FERIDON
Enfin Madame d'abord je ne sais pas si je dois vous entendre je ne sais pas si je dois vous croire.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Mais si je vous dis la vérité mon mari est très inquiet.Il a raison son état est désespéré. Le chirurgien avait envie de refermer  
sans rien faire. Finalement il a enlevé ce qu'il a pu mais ça revient déjà.

SCENE COUR AMBASSADE AUGUSTIN ÉCRIVAIN

AUGUSTIN MONSOREAU
C'était simplement pour vous signaler que finalement le tournage de l'entretien télévisé a lieu chez vous Villa Paloma à cause  
du point de vue sur la ville et que Monsieur l'ambassadeur m'a chargé de vous conduire là haut dans ma voiture, madame son  
épouse et vous-même,il ne voulait pas la laisser seule pendant l'entretien puisque personne à la villa enfin euh.

L'ECRIVAIN FERIDON
Vous voyez Madame que vous n'êtes pas abandonnée .

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
(le présentant à l'écrivain)
C'est le jeune conseiller culturel, Augustin Monsoreau.
(baissant la voix)
Si je finis mes jours villa Paloma après la mort de mon mari il me sera utile.Vous voyez j'ai tout calculé. Je vous ai dit que mon  
amie Suzanne était femme d'ambassadeur aussi ? Mais elle a seulement une licence de grec . Son père ne voulait pas qu'elle  
fasse du droit public. Tandis que moi mon père n'a jamais été comme ça. Il me disait ma petite tu fais ce que tu veux ce n'est  
pas moi qui vais t'empêcher de faire des études.  

L'ECRIVAIN FERIDON
Voulez-vous que je conduise Madame moi-même dans ma voiture? Avec l'arrivée du président et l'inauguration vous devez  
avoir beaucoup à faire.

AUGUSTIN MONSOREAU
Mais oui si vous pouvez j'ai beaucoup à faire ici en effet.

L'ECRIVAIN FERIDON
Par exemple aller prêter main forte à Didier pour l'accueil de la presse.

AUGUSTIN MONSOREAU
Oui par exemple.
(il sort)

SCENE COUR AMBASSADE

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
(à l'écrivain qui regarde ailleurs)

Ce que je dis ne vous intéresse pas.

L'ECRIVAIN FERIDON
(à qui un chauffeur vient remettre un carnet en lui  
chuchotant quelque choseà l'oreille)
Si Madame, puis-je, attendez un instant.

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LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
(En voyant arriver le chauffeur.S'est déjà détournée.  
En train de lire la légende de la statue)
Cheval rose. Alors ça. C'est  

L'ECRIVAIN FERIDON
(cachant le carnet après l'avoir consulté d'un trait)
Oui?

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Non rien.

L'ECRIVAIN FERIDON
Non j'avais cru que vous vouliez dire quelque chose.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Ah ah ah, je sais ce que vous pensiez. vous pensiez elle va dire que le cheval est bleu la malheureuse. La folle. Elle n'a rien  
compris, ou si elle a compris elle a oublié qu'elle avait compris. Eh bien pas du tout. J'ai tout compris et je n'ai rien oublié. Il ne  
faut pas dire que le cheval est bleu . Ca fait partie de la démarche de l'artiste. De faire comme s'il était rose. Toute l'exposition  
est bleue, les lumières dans les escaliers, sur la façade, les projecteurs les lasers. Tout est bleu mais il faut dire que c'est  
rose.

L'ECRIVAIN FERIDON
...

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Vous ne dites rien.

L'ECRIVAIN FERIDON
Nous allons rejoindre votre mari si vous voulez, je vous emmène dans ma voiture.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Vous croyez que je n'ai pas remarqué  

L'ECRIVAIN FERIDON
Quoi.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR

vous n'approuvez pas ce cheval.

L'ECRIVAIN FERIDON
Je regrette de vous avoir donné cette impression

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR

On voit que vous ne regrettez pas. Et moi je ne regrette pas non plus de vous dire qu'il est bleu. D'un bleu magnifique. Quand  
je dis il est bleu j'ai l'impression d'être libre.
(Elle sort un appareil photo minuscule de son col)
Je peux vous prendre en photo ?

L'ECRIVAIN FERIDON
Oui mais pourquoi?

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Je ne sais pas j'en ai besoin. Là. A côté du cheval. Vous voulez la voir?
Regardez comme vous êtes beau
(lui montre l'écran de l'appareil)
. Le bleu du cheval ressort très bien.

L'ECRIVAIN FERIDON
Peut-être que l'artiste a voulu vous libérer du mensonge en prétendant que le cheval est rose. C'est comme si ce cheval  
voulait, en quelque sorte  
(geste ironique circulaire)
vous inciter à dire la vérité à son sujet.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Tout à fait ça. Il faut que je note mais je n'ai pas mon carnet.

1

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L'ECRIVAIN FERIDON
Le voici.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Où l'avez-vous trouvé.

L'ECRIVAIN FERIDON
Votre chauffeur me l'a apporté.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Je note avant d'oublier.
(elle note)

L'ECRIVAIN FERIDON
Et que se passerait t-il si vous oubliiez que vous avez un carnet?

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
J'y ai souvent songé vous avez raison. Je serai prisonnière de la villa Paloma jusqu'à ma mort mais tant pis je regarderai la  
ville de mon balcon avec Suzanne et nous nous souviendrons.

L'ECRIVAIN FERIDON
C'est que la villa Paloma n'est pas, enfin ne peut pas. Notez que je le déplore.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Ne peut pas quoi?

L'ECRIVAIN FERIDON
Etre considérée comme une maison de repos en quelque sorte.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Le petit Augustin Monsoreau va m'imaginer quelque chose. Ce conseiller culturel a une grande imagination. Il m'a promis de  
trouver un moyen. Ne m'en veuillez pas si je vous demande mais nous l'attendons c'est ça?  

L'ECRIVAIN FERIDON
Non il nous rejoindra.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Où

L'ECRIVAIN FERIDON
Villa Paloma.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Pour le déjeuner ? Mais je ne peux pas je vois que je dois déjeuner au studio avec mon mari.

L'ECRIVAIN FERIDON
On ne va plus au studio il y a eu un changement de programme.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR  
Je ne l'ai pas noté.

L'ECRIVAIN FERIDON
Vous aviez perdu votre carnet.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
C'est possible.
(elle s'en va du mauvais côté)

L'ECRIVAIN FERIDON
Non c'est par là madame.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Ah oui c'est vrai.
(Ils quittent la cour, on entend un bruit de voitures,  
des portes qui claquent, du traffic urbain, une sortie  
de véhicules sur le gravier)
intermède musical

Acte II

1

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SCENE JOUR VILLA PALOMA --

large balcon censé dominer la ville, fenêtre ouverte, atmosphère radieuse

AUGUSTIN MONSOREAU
Je passe un instant pour vous demander si tout est en ordre, le Président est en train de prendre congé de son homologue et  
il doit venir admirer la vue de la ville mais trois minutes. Apparemment vous vous êtes bien entendu avec lui ? Enfin je veux  
dire avec sa femme.

L'ECRIVAIN FERIDON
Figurez-vous que si le président veut voir le balcon c'est parce que sa femme a pris en pitié celle de l'ambassadeur qui lui a  
raconté des sornettes. Quand je pense que l'ambassadeur voulait l'écarter en l'envoyant ici, à présent que la première dame  
l'a trouvée prodigieusement sympathique il faut la joindre à tout, ce sont les caprices de la cour.

AUGUSTIN MONSOREAU
J'en profite pour vous signaler que Didier serait candidat au poste de coordinateur culturel.

L'ECRIVAIN FERIDON
Vous en profitez, de quoi profitez-vous?

AUGUSTIN MONSOREAU
Non rien je vous le dis comme ça. L'ambassadeur est d'accord.

L'ECRIVAIN FERIDON
Je n'ai rien contre mais nous attendrons peut-être l'inauguration de ce soir pour mesurer ses chances d'obtenir le poste.

AUGUSTIN MONSOREAU
Que voulez-vous dire?

L'ECRIVAIN FERIDON
Vu son degré d'implication dans Cheval Rose, j'espère que l'exposition plaira.

AUGUSTIN MONSOREAU
La femme du président est très en phase avec le contemporain.

L'ECRIVAIN FERIDON
Eh bien raison de plus.

SCENE VILLA PALOMA CHAMBRE

AUGUSTIN MONSOREAU
(Accueillant le président, sa femme Maria et la femme  
de l'ambassadeur)
Monsieur le président, je me permets de vous laisser aux soins de notre écrivain puisqu'il est votre hôte ici.

L'ECRIVAIN FERIDON
Mais pas du tout, c'est Madame qui est votre hôtesse puisque nous sommes dans sa chambre.

LE PRESIDENT
(se penchant au balcon)
Vous n'êtes pas mal logée. Qu'est ce qu'on voit ici ?

L'ECRIVAIN FERIDON
L'ambassade d'Espagne.

LE PRESIDENT
Comment se fait-il qu'ils soient aussi bien placés par rapport à notre ambassade à nous qui est dans un trou. C'est ici que  
nous devrions être installés.
(Il ouvre les bras vers le paysage)
Ca au moins ça a de la gueule

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
C'est ce que dit mon amie Suzanne. Elle est arrivée ce matin j'aurais voulu vous la présenter c'est dommage.

1

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L'ECRIVAIN FERIDON
(parvient à distraire l'attention de la femme du  
président pour lui dire en aparté)
Cette fameuse Suzanne est morte il y a quatre ans d'après ce que j'ai appris.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Ca ne fait rien je trouve cette dame si émouvante elle me rappelle une de mes tantes qui ne sait plus qui elle est.

L'ECRIVAIN FERIDON
Elle sait très bien qui elle est, mais elle ne sait pas où.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Je voulais vous remercier pour votre accueil à propos.

L'ECRIVAIN FERIDON
C'est la vocation de la maison.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Madame voulez-vous voir le secret de l'escalier ? Il y a une curiosité laissée par le cardinal Davvero dans l'escalier.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Allons voir cette curiosité.

SCENE CHAMBRE VILLA PALOMA FERIDON PRÉSIDENT

LE PRESIDENT
Tu es content ici ?  

L'ECRIVAIN FERIDON
Il faut être philosophe.

LE PRESIDENT
Tu n'es pas content ? C'est quand même une planque non?

L'ECRIVAIN FERIDON
Une planque est un lieu où l'on n'est pas exposé. Ici c'est le contraire.

LE PRESIDENT
(Intéresse, croise les bras, s'appûie de dos sur la  
balustrade)
Tu es exposé à quoi?

L'ECRIVAIN FERIDON
Je vais te demander une faveur, celle d'attendre le dîner pour avoir la réponse si tu ne l'as pas trouvée toi-même je te la  
donnerai.

LE PRESIDENT
J'adore ce genre d'énigmes et attention, j'ai une très bonne mémoire, alors à ce soir.

SCENE CHAMBRE VILLA PALOMA

LA FEMME DU PRÉSIDENT
(revenant de l'étage inférieur)

Chéri c'est vrai qu'il y a un secret dans l'escalier, le cardinal a fait disposer un miroir dans un puits pour voir ses ennemis et les  
faire poignarder.

LE PRESIDENT
C'est exactement ce dont j'ai besoin.Faites relever les plans. Non je plaisante. J'y vais Maria je te laisse cinq minutes je  
cherche René que je devais voir avec mon conseiller diplomatique et toi Féridon merci, au dîner alors, tu sais que je suis  
entièrement étranger à ta nomination ici, je le regrette d'ailleurs.

L'ECRIVAIN FERIDON
Il n'y a pas de quoi je te dirai pourquoi ce soir.

1

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LE PRESIDENT
Décidément ce dîner promet
(agité)

Maria tu me vires ces photographes dans la cour j'avais dit non
(Il sort)

SCENE CHAMBRE VILLA PALOMA

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Je ne sais pas si mon mari voudra finir ses jours sur cette terrasse, c'est cela surtout qui m'inquiète.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
(se retournant vers l'écrivain)
Mais non il ne faut pas vous inquiéter.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Vous avez raison Augustin m'a assuré que mon mari accepterait et qu'il en faisait une affaire personnelle,et pourtant sur le  
plan administratif il parait que ce n'est pas simple à obtenir mais Augustin est un magicien.
(s'appuie à la balustrade et regarde la ville)
Parce que cette villa Paloma est un lieu essentiellement contemplatif et moi maintenant j'ai besoin de réfléchir un peu. Par  
moments tout se brouille mais ici j'y vois plus clair.Vous permettez que je vous prenne en photo ?

LA FEMME DU PRÉSIDENT
(à l'écrivain, en aparté face au public pendant que la  
femme de l'ambassadeur regarde la photo qu'elle  
vient de prendre)
Qui est Augustin?

L'ECRIVAIN FERIDON
Le conseiller culturel elle croit que c'est une maison de retraite ici c'est en partie à cause de lui, j'ignore ce qu'il lui a dit  
exactement mais que ne ferait-on pas hein, pour flatter la femme de son supérieur.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Il ne faut pas dénoncer ses petits camarades

L'ECRIVAIN FERIDON
Il y a longtemps Madame que je n'ai plus de petits camarades.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
(revenant à eux toujours obnubilée par son appareil  
photo)
Je vais la refaire.
(reprend une photo)
monsieur comprend tout très bien, il est très attentif, vous pouvez avoir confiance.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
(avec un sourire énigmatique)
Mais j'ai confiance, c'est lui qui se méfie. Mon mari m'attend.

L'ECRIVAIN FERIDON
J'ai quelque chose à vous demander avant que vous ne partiez.
(se retournant vers la vieile dame et s'apprêtant à  
présenter sa requête à la Première Dame en aparté )
Vous ne m'en voulez pas Madame, c'est personnel.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Mais bien entendu. Je vais chercher Suzanne si ça se trouve elle est dans le parc
(se dirige vers la porte))

L'ECRIVAIN FERIDON
Attendez je vais appeler quelqu'un  
(fait un grand geste par dessus son épaule à  
quelqu'un qui passe à l'extérieur et qu'on ne voit  
pas)
Tenez-je peux vous demander un service Antonio, conduisez madame dans l'orangerie du Cardinal, je la rejoins tout de suite.

1

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SCENE CHAMBRE VILLA PALOMA INT JOUR  

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Il faut que j'y aille aussi.

L'ECRIVAIN FERIDON
L'ambassadeur m'a exilé sa femme ici parce qu'elle est ingérable, je cite, mais je suis convié au dîner moi-même et M. le  
Président vient de me dire qu'il comptait m'y voir, et je ne peux pas la laisser seule.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Emmenez-la avec vous.

L'ECRIVAIN FERIDON
C'est ce que je vais faire, mais justement l'ambassadeur ne voulait pas la voir au dîner,et il ne sera pas content. Or nos  
rapports ne sont déjà pas fameux.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Vous n'avez qu'à dire que c'est moi qui ai insisté.

L'ECRIVAIN FERIDON
Justement c'est le sens de ma démarche, si vous aviez la bonté d'expliquer que vous trouvez cette dame amusante et que  
vous avez voulu la placer à table à côté de vous.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Je n'ai rien à expliquer mais vous pouvez compter sur moi. L'ambassadeur vous fait peur?

L'ECRIVAIN FERIDON
Personne ne me fait peur.D'autant que je vais quitter mon poste assez vite, je le sens.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Qu'est-ce que vous faites à ce poste d'ailleurs?

L'ECRIVAIN FERIDON
J'y gagne ma vie Madame.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Pourquoi ne vendez-vous pas vos livres plutôt.

L'ECRIVAIN FERIDON
Je suppose que c'est parce que nul ne les achète.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Ca doit dépendre, j'imagine de ce qu'ils contiennent.

L'ECRIVAIN FERIDON
Ou non.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Pardon

L'ECRIVAIN FERIDON
De ce qu'ils contiennent ou ne contiennent pas

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Par exemple?

L'ECRIVAIN FERIDON

Par exemple l'éloge de tout ce qui est obligatoire; éloge qui est devenu, au fil des années, un genre littéraire à lui tout seul.  

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Revoilà notre amie.

SCENE CHAMBRE VILLA PALOMA  

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Bonjour Madame. Quelqu'un voulait m'emmener chez je ne sais quel cardinal pour aller cueillir des oranges ; enfin. n'importe  
quoi.
(Se retourne, théatrale)
Mais quelle affluence dans ma chambre soudain.

1

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(Se dirige vers la femme du président et lui tend la  
main solennellement)
Je suis Gigi la femme de l'ambassadeur.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Et moi Maria.Nous nous verrons au dîner Je viens de recevoir un message téléphonique qui dit que mon mari m'attend et que  
le vôtre a fini avec la télévision il monte

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
(au public)

Qui est son mari ? Je n'ai pas accepté de dîner avec son mari mais qu'est-ce qu'elle raconte.
(revenant à elles)
Passez-moi mon carnet je l'aurais noté si c'était vrai.Dans le sac là.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Le voici.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Inauguration de l'exposition Cheval Rose. En présence du président de la république . Zut ce qui m'ennuie c'est que je n'ai  
pas eu le temps de prévenir Suzanne qui a horreur des tralalas.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
(amusée)

Vous croyez qu'elle voudra venir ?

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
(haussant le col)

Oui car c'est une femme très brillante.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Je n'en doute pas.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Et qui connaît très bien le président, qui était un ami de son père.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Vous voulez dire de l'ancien président. Bon j'y vais.

L'ECRIVAIN FERIDON
Moi aussi je ne vais pas tarder car je vois la voiture de l'ambassadeur qui monte la rampe.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Je vais lui dire un mot en passant sur la participation de sa femme au dîner de ce soir, à laquelle je tiens décidément  
beaucoup.

L'ECRIVAIN FERIDON
Ca lui fera un plaisir immense.
(Ils sortent)

INT. SC VILLA PALOMA L'AMBASSADEUR SA FEMME

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Ah c'est toi je viens d'apprendre que le président de la république doit débarquer à l'ambassade pour venir dîner ce soir  
j'avoue que je n'ai pas tout suivi.

L'AMBASSADEUR
Moi non plus j'ignore ce que tu es allée raconter à la femme du président mais il me semblait t' avoir dit que je ne voulais pas  
de toi à table ce soir.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Très bien, je n'ai pas l'habitude de m'imposer je reste ici.

L'AMBASSADEUR
Non c'est trop tard, il ne fallait pas te plaindre à la femme du président à présent elle t' attend elle vient de me le dire.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Mais que dis-tu ? Je ne l'ai jamais vue.

1

----------------------- Page 18-----------------------

L'AMBASSADEUR
Elle sort d'ici.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Pas du tout c'était une amie de l'écrivain Féridon.

L'AMBASSADEUR
C'était elle te dis-je.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Mais elle a trente cinq ans.

L'AMBASSADEUR
Je suis fatigué Gigi de devoir épousseter devant chacun de tes pas, de devoir corriger tes absurdités,d'expliquer aux gens  
pourquoi tu les prends en photo, je sais bien que ce n'est pas ta faute mais note dans ton carnet "je dois cesser de compliquer  
sans cesse et partout la tâche de mon époux".

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Je vais plutôt écrire "de compromettre la carrière de mon époux" et puis j'ajouterai" carrière idiote à laquelle il a sacrifié son  
jugement, son sens moral, sa dignité carrière de petit soldat égoïste et méchant qui ne se doute pas qu'il va mourir,  
franchement quand on regarde cette ville,quand on voit ces palais, on est stupéfait de voir que derrière tant de majesté se  
cachent des hommes aussi petits.

L'AMBASSADEUR
(consultant des notes)
C'est ça.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
C'est tout ce que tu réponds.

L'AMBASSADEUR
Je n'ai rien à répondre dans dix minutes tu ne te souviendras pas de ce que j'ai dit.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Enfin il me semble qu'au moins, au moins, à quelques mois de devoir admettre définitivement que tu es malade, que ta vie est  
menacée, que tu va disparaître, tu pourrais regarder les choses avec philosophie.

L'AMBASSADEUR
Je te supporte . Pour  moi c'est le sommet de la philosophie.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Je croyais avoir épousé quelqu'un qui avait une âme.

L'AMBASSADEUR
(excédé)
Il y a, donc, erreur sur la personne.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
(tout en le prenant en photo avec son petit appareil)

C'est vrai d'ailleurs tu n'as même plus de corps.L'autre jour tu avais mis un polo j'ai cherché, en vain, la piqure des tétons sur  
ta poitrine. Peut-être qu'au fil des années tu les as perdus, tu es devenu un robot en fer blanc.

L'AMBASSADEUR
Arrête de prendre des photos s'il te plaît.
Il serait nécessaire que tu notes quelques faits sur ton carnet pour éviter les impairs les plus grossiers ce soir.Je ne plaisante  
pas c'est important.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Tu ne plaisantes jamais quand c'est important, c'est pourquoi tu es un mauvais diplomate je ne sais plus qui me disait ça  
récemment.  

L'AMBASSADEUR
Ca m'intéresserait que tu t'en souviennes.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Ca me reviendra

L'AMBASSADEUR
J'en doute mais tant pis, note:

1

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Le président actuel n'est pas celui que j'ai connu avec Georges.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Georges qui ?

L'AMBASSADEUR
Georges moi voyons.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Ah oui toi.

L'AMBASSADEUR
(continue de dicter la teneur de la note)

L'actuel président n'a pas connu le général de Gaulle, ne pas lui dire que je lui sautais au cou quand j'étais jeune fille.Ne pas  
lui parler de Suzanne. Se souvenir que Suzanne est morte.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Qu'est-ce qui te prend? Tu es fou?

L'AMBASSADEUR
Elle est morte d'un accident de voiture.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Mais non voyons elle est arrivée ce matin.Elle a juste eu un problème de valise.

L'AMBASSADEUR
(lui fait le geste de noter)

Ne pas mentionner Suzanne.  

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Tu n'as jamais pu la supporter parce que son père était un ami de papa, et qu'ils faisaient partie d'un monde qui t'était  
inaccessible. Ma famille était plus noble et plus riche que la tienne. Avec le père de Suzanne nous allions marcher en forêt. Ils  
parlaient tout le temps de leurs chiens. C'étaient des hommes extrêmement chics et très grands. Oui très grands. Comme le  
général de Gaulle qui était un ami du père de Suzanne
(s'énerve de plus en plus)
C'est pour cela que tu ne l'as jamais aimée, Suzanne. Parce que son père était grand comme le général de Gaulle et  
d'ailleurs mon père était très grand lui aussi voilà.

L'AMBASSADEUR
(continuant à dicter)

Ne pas mentionner la taille du président de la république. Ne pas lui parler de sa femme, ne pas lui demander s'ils ont des  
enfants.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Pourquoi ? Ils n'en ont pas ? Ils n'ont pas pu en avoir ?

L'AMBASSADEUR
Si mais je ne veux pas que tu aies l'air de tomber de la lune.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Il me suffit de le noter.

L'AMBASSADEUR
C'est plus compliqué que ça, il faut savoir ce qu'ils font ses enfants,de quel mariage ils viennent, et comme tu l'ignores tu  
contourneras le sujet s'il te plaît.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
(fait semblant de griffonner)

Je commence à deviner les sujets qu'il faut contourner. Ne pas dire par exemple que mon mari est malade du cancer. Ne  
confier à personne que j'ai attendu en vain qu'il l'accepte, qu'il me dise qu'il l'accepte, qu'il se retourne sur les années que  
nous avons passées à Athènes au Caire, qu'il consente à évoquer la mémoire du fils que nous avons perdu, qu'il me touche le  
bras en me disant n'aie pas peur je suis là quand même. Ne pas lui dire que j'ai peur même s'il est là.

L'AMBASSADEUR  
Je ne me donne pas la peine de me disputer avec toi car tu auras tout oublié dans un quart d'heure.

1

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LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
C'est affreux ce que tu dis je note dans mon carnet de ne...pas... oublier de te haïr.

L'AMBASSADEUR
Tu vas aller cacher ton carnet pour ne pas le perdre. Et puis tu oublieras où tu l'as caché.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
(feuilletant les pages de son carnet avec un air  
douloureux)

En vérité j'ai déjà oublié pourquoi j'ai écrit toutes ces choses. Mais il suffit de revenir à la première.
(Copnsultant ses notes)
Nous dînons avec le Président de la République. Tu vois.
(Se redresse, se regarde dans le miroir, anticipe  
visiblement l'événement)

L'AMBASSADEUR
Justement il faut que j'y aille.
Je redescends avec le chauffeur, dis à l'écrivain de te ramener à sept heures  

(Se ravise )
Ah on me signale que le petit Augustin Monsoreau t'a promis que tu pourrais vivre ici pour le restant de tes jours je pense que  
tu est consciente de l'absurdité.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR

Je suis consciente de plus de choses que tu ne crois. Il voulait me faire plaisir et cependant j'aurai besoin d'un lieu tranquille  
quand tu seras mort.En outre je crois qu'il veut faire nommer quelqu'un à la direction de la villa.

L'AMBASSADEUR
Ce jeune crétin essaie d'arracher une nomination dans mon dos mais il me sous-estime.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Jusqu'à quand vas-tu intriguer pour faire trébucher les autres autour de toi? Qu'attends tu pour laisser tomber? Ta dernière  
chimio? Je te vois en train de téléphoner pour empêcher une nomination. La perfusion pend au dessus de ton lit.Tu es à  
moitié mort . Tu intrigues encore pour devenir je ne sais quoi et pour que les autres ne le deviennent pas. Et ça fait pitié.

L'AMBASSADEUR
L'écrivain est là donne lui ton carnet.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Pourquoi.

L'AMBASSADEUR
Ca t'évitera d'aller le cacher, d'envoyer le chauffeur à sa recherche, etc.

VILLA PALOMA,INT JOUR LA FEMME DE L'AMBASSADEUR, SEULE --

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
C'est affreux comme j'ai envie de pleurer et je ne sais pas pourquoi, d'ailleurs j'ai la certitude que même si je savais pourquoi  
ça n'en vaudrait pas la peine car il y a en moi quelque chose de gai qui souffre d'être en cage , quelque chose qui sera libre  
un jour . Quand je songe à ce jour c'est comme si j'étais libérée déjà.  
(Prend une photo,Se regarde dans la glace d'abord  
dépitée, puis avec amusement, rajuste sa robe,  
mime une scène mondaine)
Monsieur le Président vous êtes trop aimable. Oui nous nous plaisons beaucoup dans cette ville.Trois ans, cela fait trois ans.  

VILLA PALOMA, INT JOUR, FEMME AMBASSADEUR, L'ÉCRIVAIN FÉRIDON

L'ECRIVAIN FERIDON
Votre mari a l'air de tenir à ce que je prenne votre carnet pour éviter que vous ne le perdiez avant le dîner.
(prend le carnet sur un guéridon)

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Vous a t-il dit à vous qu'il était malade?

2

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L'ECRIVAIN FERIDON
Nous ne sommes pas très intimes.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
J'ai remarqué qu'il vous détestait c'est pour cela que vous m'inspirez de la curiosité, car en général c'est bon signe Mon mari  
se trompe rarement il détecte les gens bien tout de suite pour mieux s'en écarter.
Que feriez-vous à ma place ?  
(long silence)

L'ECRIVAIN FERIDON
J'ai quelque difficulté à situer la question  
(silence)
dans le contexte.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Vous avez raison moi aussi.

L'ECRIVAIN FERIDON
(affecte de se plonger dans le carnet)
Peut-être que le carnet m'aiderait.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Ce n'est pas sûr. Les choses vraiment importantes je ne les note pas,elles sont trop nombreuses et elles arrivent trop vite.De  
temps en temps je prends des photos mais quand je n'ai pas les noms cela ne sert à rien. Pourquoi n'écrivez vous pas un livre  
sur moi ? Je vous fournirai la matière.

L'ECRIVAIN FERIDON
(lit toujours)

Pourquoi ne l'écrivez vous pas vous même je trouve ces notes très intelligentes.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
L'intelligence n'est rien je m'en aperçois à présent que mon cerveau fuit comme un lavabo. Avant je jouais au bridge avec les  
amies de Suzanne. Dans les derniers mois on me tolérait à peine, j'oubliais les annonces. Et pourtant j'étais une bonne  
bridgeuse Rendez-moi mon carnet.

L'ECRIVAIN FERIDON
Je préfère m'assurer que vous ne le perdrez pas avant de monter dans la voiture.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Ah oui très juste.Je vous le laisse alors.

L'ECRIVAIN FERIDON
J'imagine que vous devez mettre une robe de soirée enfin quelque chose de plus... de moins...

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Je peux vous poser une question ?

L'ECRIVAIN FERIDON
Je vous en prie.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Pour quelle raison dois-je mettre une robe de soirée ?

L'ECRIVAIN FERIDON
Il y a un vernissage à l'ambassade. Vous n'avez donc aucun souvenir?

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Il m'arrive de perdre le fil

L'ECRIVAIN FERIDON
(au public et à voix basse)

Là c'est la pelote entière.  
(haut)
Je me demande comment vous faites pour vous souvenir des gens,par exemple vous devriez ignorer qui je suis.

2

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LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Justement à l'instant j'ai un doute .

L'ECRIVAIN FERIDON
Vous savez où nous sommes au moins.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Villa Paloma.

L'ECRIVAIN FERIDON
Très bien et j'en suis le,le

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Pensionnaire

L'ECRIVAIN FERIDON
En quelque sorte.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Que dois-je faire ?

L'ECRIVAIN FERIDON
Si vous me faites confiance vous devez vous préparer pour dîner à l'ambassade où je vais vous conduire.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Vous me direz ce que je dois faire.

L'ECRIVAIN FERIDON
Votre carnet vous le dira.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Mon mari a raison Suzanne est morte.

L'ECRIVAIN FERIDON
Nous n'avons pas le temps de parler de Suzanne.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
C'est une chose que j'ai refusé de noter dans le carnet et dont je me souviens parfaitement. La mort de Suzanne remonte au  
début de mes problèmes de mémoire, c'est à se demander si elle n'a pas été un facteur déclenchant.

L'ECRIVAIN FERIDON
C'est possible, mais préparez vous je vais me changer moi-même. A tout de suite.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Ne me prenez pas pour une folle. Je dis que Suzanne est vivante c'est parce qu'elle l'est. Seulement elle ne vit pas ici.Elle est  
plus vivante que vous et moi.  
(Se retourne comme pour exanimer l'état du décor)
Dans cette vie on ne comprend rien, c'est la confusion dans les esprits, tout est si compliqué, les ponts se croisent, les routes,  
les destins, on doit rendre des comptes à tout le monde à propos de choses que l'on comprend à peine mais
(se retourne vers la fenêtre)
quand je regarde la ville dans le soleil je sais que Suzanne et en route elle vient me retrouver, oui elle vient me chercher elle  
est perpétuellement en voyage vers moi,donc elle finira par arriver un jour en provenance de ce pays où tout est simple et si je  
dis qu'elle a perdu sa valise il faut comprendre c'est une métaphore.En fait elle a renoncé à sa valise.
(Silence assez long)
Qu'est ce que je disais. Je vais prendre une photo à tout hasard. Voilà.

ACTE III

SCENE C  OUR AMBASSADE NOCTURNE  

L'AMBASSADEUR
(au téléphone, se regardant dans un miroir, en  
costume sombre, isolé par un projecteur)

Non justement. Ca s'est très mal passé je tenais à vous le dire, le sujet doit être diffusé en ce moment même sur la première  
chaîne le crétin qui m'a interrogé s'est moqué ouvertement de ce qu'il a appelé notre cirque,il m'a demandé de réagir sur des  
témoignages de passants qui ricanaient au micro,en plus vous ne m'avez pas dit que le président tutoyait le nouveau directeur  
de la villa Paloma il y a la tout un travail de communication qui n'a pas été fait en amont.
2

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AGATHA
(au téléphone elle aussi, dans un faisceau isolé à  
l'autre extrémité de la scène)
Ecoutez Monsieur l'ambassadeur, la communication comme vous dites ce n'est pas ma mission dans cette ville, j'ai déjà  
beaucoup de mal à m'occuper des artistes alors les affaires politiques, hein, j'ai vu le président qui descendait à l'instant si ça  
se trouve il n'a pas vu le sujet télé dont vous parlez ne vous en faites pas.

L'AMBASSADEUR
Où êtes vous je vous rappelle que vous devez guider la visite privée.

AGATHA
(se retournant, pendant que la cour est illuminée avec  
son cheval bleu qui trône au milieu.On entend des  
bruits de couverts et une musique électronique. Une  
estrade bleue est dressée devant le cheval face à la  
scène )
Mais je suis là derrière vous. J'attends ces messieurs, ils sont dans les caves avec Didier.

L'AMBASSADEUR
J'ai appris que Didier voulait entrer à la direction artistique de la villa avec la complicité de mon conseiller culturel qui couche  
probablement avec lui à moins que ce ne soit pour y parvenir en tout cas il n'en est pas question enfin je veux dire pour la  
villa, le reste ne me regarde pas.

AGATHA
Moi qui pensais l'avoir formé pour qu'il devienne un peu, comment dirais-je, l'élément moteur de ma galerie je tombe de haut  
mais je ne peux pas y croire.

L'AMBASSADEUR
De toute façon il ne sera jamais coordinateur de la villa Paloma.

AGATHA
Vous me dites cela sur un ton, comme si j'avais la moindre responsabilité là-dedans.

L'AMBASSADEUR
Nous n'avons pas le temps de tirer cela au clair les voici. Monsieur le président, Madame, permettez-moi de vous présenter  
Agatha Leibnitz de la galerie Leibnitz qui fut notre commissaire pour la préparation.

AGATHA
J'aurais aimé vous présenter moi-même les artistes, mais je ne les vois pas, il viendront sans doute au dîner.

LE PRESIDENT
D'après mes informations ils ne viendront pas au dîner car ils réprouvent ma présence ici, ces messieurs qui m'accompagnent  
apprécieront, attendez je vous les présente à mon tour: Monsieur Angelis,  préside la Société Comadis, à côté de lui le  
Président de la Caisse des Retraits et Confiscations, le directeur des opérations extérieures du groupe Pigeon, je crois qu'ils  
sont tous ravis d'apprendre que les auteurs d'une opération qui leur a coûté autant d'argent se permettent de boycotter le  
Président de la république.

AGATHA
Non je crois qu'il s'agit d'un malentendu, Augustin vous pouvez témoigner qu'il n'y a aucune intention de boycott, c'est juste  
que ce sont des artistes et que.

AUGUSTIN MONSOREAU
Si vous me demandez mon avis je vais vous le donner moi-même ce sera plus simple, Agatha il m'est difficile de témoigner de  
ce que vous dites, une chose est certaine, c'est que l'opération offre à nos partenaires une importante visibilité .

LE PRESIDENT
C'est certain,en remontant des caves où vous avez installé une voiture américaine et dans l'escalier desquelles le concierge,  
le bossu là, a failli se tuer devant nous tout à l'heure, après un vol plané putain je me suis dit il va nous lâcher le pauvre  
garçon, mais il n'avait rien finalement, que disais-je  oui, nous avons regardé le journal télévisé au bureau de presse de  
l'ambassade, et Monsieur Angelis a été frappé par l'impact très positif des commentaires, les gens racontaient que les  
projecteurs les empêchaient de dormir et qu'on jetait l'argent par les fenêtres à part ça l'image des sociétés contributrices en  
sort grandie comme vous pouvez le voir sur le visage, ravi, de leurs représentants qui ont visionné le reportage avec moi.

AUGUSTIN MONSOREAU
C'est le vieux débat entre le financement de l'art et son objet.

LE PRESIDENT
Si l'objet de l'art est de mépriser celui qui le finance,on se demande pourquoi il ne se finance pas tout seul.

2

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AUGUSTIN MONSOREAU
(gestes d'illusionniste)

Nul ne méprise personne Monsieur le président, nous sommes dans un système qui produit de la rareté, de l'étonnement,du  
merveilleux qui a ses agents, sa valeur ajoutée, sa logique de marché,de prestige, enfin c'est assez complexe, et les  
entreprises savent très bien le bénéfice qu'elles peuvent en tirer mais je suis de votre avis, à titre privé les sommes en jeu  
peuvent paraître choquantes.

LE PRESIDENT
Extravagantes

AUGUSTIN MONSOREAU
Je vous le concède

LE PRESIDENT
Grotesques

AUGUSTIN MONSOREAU
Je suis de votre avis

LE PRESIDENT

Je suis content que vous soyez de mon avis. Non sincèrement j'avais une inquiétude, en arrivant j'ai dit à ma femme, est-ce  
que le conseiller culturel va être de mon avis, n'est-ce pas Maria ?

AUGUSTIN MONSOREAU
Monsieur le Président, Agatha brûle de vous expliquer la démarche de Cheval Rose.

LE PRESIDENT
Justement j'étais impatient de la connaître. Il n'y a pas une petite coupe de champagne pour ces messieurs, histoire de les  
préparer à cette épreuve ?

AUGUSTIN MONSOREAU
Monsieur le Président je vous en fais apporter tout de suite.

LE PRESIDENT
Oui et vous rassurerez ma femme qui a l'air de trouver que je vous rudoie et vous lui direz que sa présence nous sera  
précieuse au dîner parce que je me demande sincèrement où je suis tombé,alors que les économies s'effondrent et que les  
gens ne savent plus comment payer leur loyer, oui Monsieur l'ambassadeur, je dis cela pour vous, vous voilà en passe de  
devenir martyr de l'art contemporain. Et vous Madame qui êtes sa prêtresse nous vous écoutons.

AGATHA
Eh bien nous avons confié à l'artiste Eduardo Balordo le soin de concevoir cette exposition qui associe comme vous l'avez vu  
plusieurs autres artistes de la scène contemporaine ayant une démarche voisine et leur intervention prend la forme d'un  
questionnement comme ça obsessionnel, très en phase, très vigilant sur le thème des codes, code de la route, code couleur,  
code morse pour le phare, en somme c'est un travail sur les codes.

LE PRESIDENT
Ah ouiiii. Maintenant c'est beaucoup plus clair. Je me suis fait communiquer les chiffres à l'intention de mes hôtes dont les  
filiales ont payé ce travail sur les codes, on arrive quand même à trois millions, et la subvention de la caisse des retraits et  
confiscations à elle seule est du tiers.

UN HOMME D'AFFAIRES
Je l'ignorais mais je vais me renseigner.

LE PRESIDENT
C'est fait, si je vous cite le chiffre, c'est que je me suis renseigné moi-même.Ces gens ont dépensé trois millions dont un sur  
fonds publics pour un cheval en plastique alors qu'on ne sait plus comment payer les retraites.

AUGUSTIN MONSOREAU
Votre champagne.

LE PRESIDENT
Monsieur nous vous remercions,l'indignation était en train d'assécher le gosier de ces messieurs.Non pas pour moi merci. Ah  
voici Maria, heureusement ma femme s'y entend mieux que moi. C'est ma caution culturelle, il paraît que je n'y connais rien  
mais grâce à elle tous les directeurs de musée sont à plat ventre, enfin je veux dire admiratifs car à plat ventre ils l'étaient  
déjà.Expliquez à ma femme je vous prie ce qu'il faut penser de ce cheval bleu.

AGATHA
Justement, ce qu'il faut en penser c'est qu'il est rose.

2

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LE PRESIDENT
Ah oui c'est ce que j'avais entendu dire

AUGUSTIN MONSOREAU
Monsieur le président, Agatha va vous expliquer combien Balordo s'est distingué jusqu'à présent dans la remise en cause des  
évidences, que tout cela fait partie de sa démarche et que si l'on peut la rejeter, on ne peut pas la discuter.

AGATHA
Absolument.

LE PRESIDENT
Je préfère vous prévenir que rien dans mon esprit n'est indiscutable.

AGATHA
Je sens que je ne vais pas y arriver.

LE PRESIDENT
Attendez je vais vous aider. vous êtes comme les devins, vous avez besoin pour y arriver que les gens à qui vous parlez  
soient déjà convaincus, désolé, moi je vous demande de me convaincre.

AGATHA
Ma démarche est ailleurs il y a un malentendu

LE PRESIDENT
Votre démarche consiste en quoi ? Faire circuler trois semi-remorques à travers l'Europe, dépenser un million d'argent public  
et deux d'argent privé, demander des autorisations à cette ville pour décharger un phare, une cheval bleu , un feu rouge et  
une voiture américaine dans un palais renaissance qui a vu passer des papes et des astronomes pendant cinq siècles, en  
revanche il n'entre pas dans votre démarche de le justifier devant quelqu'un d'autre que les critiques à votre dévotion, qui ont  
déjà publié leur article dans leurs journaux de m. en disant que ce serait forcément bien parce que l'artiste était  
incontournable. Mais moi je contourne madame, je contourne.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Mon chéri arrête c'est populiste en plus tu lui fais peur, ne faites pas attention il est comme ça. En plus il ne voit pas le travail  
qu'il y a, la conception, tout cela. Il ne voit que le résultat..  

AGATHA

Justement qu'est ce qu'il a le résultat ?

LE PRÉSIDENT

Il est nul.

AGATHA

C'est votre lecture du réel mais ça dépend.

LE PRÉSIDENT

Oui ça dépend du nombre d'hypocrites que vous avez réunis. Bon inutile de discuter davantage
Où est donc votre femme, Monsieur l'ambassadeur.

L'AMBASSADEUR
Elle arrive avec l'écrivain.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Ah oui la voilà. Moi je pense que l'art doit se situer exactement au niveau de lecture poétique que votre femme pratique avec  
autant de naturelle facilité. Par exemple si je lui demande pourquoi ce cheval est rose vous allez voir ce qu'elle va me  
répondre.

L'AMBASSADEUR
Je me demande si c'est une bonne idée.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Madame, vous vous souvenez de moi ?

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR

Naturellement je vous ai vue chez Suzanne l'année dernière.

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L'AMBASSADEUR
Ca commence bien.

LA FEMME DU PRÉSIDENT

A votre avis pourquoi disent-ils que le cheval est rose?

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Vous n'avez qu'à demander à l'écrivain il me l'a expliqué dans la voiture mais j'ai oublié.

LE PRESIDENT
Qu'est-ce que tu lui as dit.

L'ECRIVAIN FERIDON
Je lui ai dit que ça ferait de la peine à l'artiste si elle disait qu'il n'est pas rose.

LE PRESIDENT
L'artiste n'est pas là madame,vous pouver y aller, mais nous allons demander à Madame Agatha de préciser sa couleur.

AGATHA
Je n'en ferai rien Monsieur le président, c'est une question de, ce serait la négation d'une démarche qui.

LE PRESIDENT
Bon alors toi.

L'ECRIVAIN FERIDON
Moi je le vois bleu depuis le début mais je ne suis qu'un réactionnaire.

LE PRESIDENT
Monsieur le conseiller.

AUGUSTIN MONSOREAU
L'intérêt réside justement dans ce va et vient entre deux perceptions apparemment inconciliables mais il y a un côté quantique  
dans l'art contemporain. L'observation est créatrice . La vérité n'est qu'un avènement que nous provoquons sans cesse,à  
chaque minute.

LE PRESIDENT
Eh bien provoquons l'avènement de la vérité, l' ambassadeur va nous dire. Nous nous rangerons à son avis.

L'AMBASSADEUR
Mon avis ne saurait être différent du vôtre.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Ah le menteur il m'a dit qu'il était rose et que c'est cela qu'il fallait dire c'est marqué dans mon carnet souligné.

LE PRESIDENT
Intéressant qu'est-ce qu'il y a d'autre dans le carnet ?

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Ne pas faire allusion à la taille du président.

LE PRESIDENT
Ah bon et pourquoi.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Il est tout petit.

LE PRESIDENT
Il ne faut pas exagérer.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Je ne l'ai vu qu'en photo.

LE PRESIDENT
Vous croyez qu'il est plus petit que moi ?

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Ah oui beaucoup.

2

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LE PRESIDENT
Ca me rassure.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Chéri madame a quelques trous de mémoire
(à la femme de l'ambassadeur)
le président c'est lui.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Enchantée.Mon mari et moi nous avons très bien connu le général de Gaulle.

LE PRESIDENT
Depuis le début de ma carrière j'ai l'impression que tout le monde sauf moi a connu le général de Gaulle  mais nous parlions  
d'autre chose, Madame devait nous présenter la démarche de l'artiste allons y madame je vous en prie le dîner nous attend.

AGATHA
Balordo est un spécialiste, on pourrait dire LE spécialiste de la décontextualisation.Son installation nous invite à dépasser les  
voies de la perception et cheval rose rappelle à bien des égards l'intervention qu'il avait faite lors des nuits blanches du  
château de Chambord et qui reste dans toutes les mémoires.

LE PRESIDENT
Sauf la mienne.
LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Et la mienne.

AGATHA
Il s'agissait d' un dispositif lumineux autour d'un cheval métallique, d'ailleurs tous ses artistes invités, Nathalie Calendula-
Lieutard, Marion Boni et Farid Loumi, sans oublier le célèbre plasticien Ajaz travaillent aussi dans la redéfinition des codes  
spatiaux par la lumière. La reconfiguration d'un lieu vaut comme reconfiguration d'une expérience, puisque c'est dans un  
différentiel entre le spectateur et le lieu que se déterminent de nouveaux repères qui dématérialisent et rematérialisent une  
présence.

LE PRESIDENT
En gros ca veut dire que si je me barre, je ne suis plus là, et d'ailleurs ça ne va pas tarder.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Chéri arrête c'est vulgaire , c'est populiste.

LE PRESIDENT
Nos amis qui ont cofinancé cette opération et qui tout à l'heure, sous mes yeux, ont vu le sujet télé où le journaliste ricanait  
devant l'ambassadeur, doivent être ravis du coup de pouce ainsi donné à leur image en pleine crise économique.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
On ne peut pas parrainer que des courses de voiture.

LE PATRON DE LA CAISSE DES RETRAITS
La caisse des retraits s'est beaucoup diversifiée dans son soutien à la création mais là je reconnais que la limite est atteinte.

AGATHA
La limite de quoi?

LE PRESIDENT
La limite de la.

AGATHA
De la quoi.

LE PRESIDENT
De la . Allons dîner, l'avion part à minuit je n'ai pas envie de traîner. Allons-y enfin allez-y vous, je vous rejoins,
(à  l'écrivain Féridon)
Tu peux rester un instant, j'ai quelque chose à te dire.

L'AMBASSADEUR
Ne m'en veuillez pas mais j'aurais besoin de savoir si nos hôtes doivent attendre debout ou assis.

LE PRESIDENT
Ah bon et pourquoi

L'AMBASSADEUR
Ca dépend du temps que prendra votre entretien avec Monsieur Féridon.

2

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LE PRESIDENT
Faites-les asseoir et commencez sans moi j'ai l'habitude.

L'AMBASSADEUR
Parfait.

LE PRESIDENT
Eh bien on fait comme ça.

L'AMBASSADEUR
Je vous laisse.

LE PRESIDENT
Il en était question.

L'AMBASSADEUR
A tout de suite.

L'ECRIVAIN FERIDON
(au Président)

Notre tutoiement le gêne

LE PRESIDENT
Il a raison je vais le virer et je voulais te nommer à sa place.Qu'en dis-tu.

L'ECRIVAIN FERIDON
Tu es fou.

LE PRESIDENT
Je m'attendais à ce que tu dises non.

L'ECRIVAIN FERIDON
Je dis non.En outre je ne sais pas comment on fait l'ambassadeur. C'est un métier enfin je suppose.

LE PRESIDENT

Non c'est un état.
Maria m'a dit que tu voulais quitter la direction de villa à peine arrivé ce sera mal perçu. Tandis qu'une promotion...Je n'ai pas  
été associé à ta nomination,même si je l'ai vue passer. Qui t'a placé ici ?   

L'ECRIVAIN FERIDON
Ton ministre de la culture Oresti je l'ai croisé dans un dîner à Versailles. En me nommant, Oresti m'a dit qu'il prenait un risque  
parce que j'avais une mauvaise image. Ma démission va lui donner raison.

LE PRESIDENT
Et quels motifs donneras-tu ?

L'ECRIVAIN FERIDON
Après ce que tu viens de voir crois-tu que je manque de motifs ?

LE PRESIDENT
On ne démissionne pas parce qu'on est entouré d'imbéciles sans cela je ne serais même jamais devenu maire de mon village.  
Réfléchis à ma proposition.

L'ECRIVAIN FERIDON
Je suis un artiste. J'appartiens à un autre circuit.

LE PRESIDENT
Je le connais ton circuit. Les gens qui me haïssent te haïssent aussi. Tu auras bientôt du mal à publier tes livres.

L'ECRIVAIN FERIDON
C'est déjà le cas.

LE PRESIDENT

Mon conseiller diplomatique dit que tes pairs t'ont rejeté à cause de tes convictions.Qu'est-ce qu'elles ont tes convictions?

L'ECRIVAIN FERIDON
Rien, ce sont à peu près les tiennes.

2

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LE PRESIDENT
Raison de plus pour accepter. J'y retourne. Oui, Monsieur l'ambassadeur, vous voyez ca n'a pas été long,  
mais naturellement j'ai dit qu'on commence sans moi.Ah voilà René. Quand on m'a dit que tu n'étais pas dans l'avion j'ai eu un  
coup de fatigue, j'ai pensé mais qu'est-ce que je vais faire sans mon René.
(Disparaît mais l'ambassadeur revient faire une  
incursion un verre à la main au pied du cheval bleu)

SCENE COUR AMBASSADE

L'AMBASSADEUR
Ah vous êtes là je cherchais Augustin. Il faut que j'y aille mais puisque je vous tiens en réintroduisant ma femme dans cette  
réception dont je vous avais demandé de l'écarter au contraire, vous avez ouvert imprudemment les hostilités.

L'ECRIVAIN FERIDON
C'est un caprice de la présidente, allez vous plaindre auprès d'elle en outre je n'ai que faire de votre hostilité comme vous le  
pensez bien.

L'AMBASSADEUR
Vous avez commis une autre erreur celle vous passer de mon avis pour une nomination à la villa.

L'ECRIVAIN FERIDON
Il vous arrive de penser à autre chose qu'à ces futilités ? Est-ce que vous savez que l'Europe s'effondre, que les gens vont  
recommencer à planter des légumes sur les balcons? Est-ce que vous entendez la rumeur de cette ville en ce moment, est-ce  
que l'odeur du fleuve vous frôle les narines, est-ce que vous allez finir par boire ce verre au lieu de faire semblant?

L'AMBASSADEUR
Je n'ai pas le temps de vous répondre je suis désolé.
(il pose le verre)
En plus nous avons des problèmes de sécurité il y a une manifestation.

L'ECRIVAIN FERIDON
Une dernière chose.

L'AMBASSADEUR
Oui?

L'ECRIVAIN FERIDON
Vous avez vu comme ce cheval est bleu la nuit ? Jamais rien vu de plus bleu, on a envie de se noyer dans cette clarté  
mystérieuse et triste comme une aurore boréale.Du coup la négation de cette couleur qui m'émeut tant, négation qui est la  
règle ici depuis trois jours me paraît aussi grave que le serait, tiens, celle de Dieu, là, sous mon nez par un athée ordinaire, je  
veux dire le genre agressif vous savez,
(l'ambassadeur quitte les lieux dans son dos, mais la  
femme du président traverse l'arrière de la scène et  
s'arrête)
celui qui vous tombe dessus au milieu d'un dîner au moindre émerveillement, à la moindre affirmation, et qui tient à vous dire  
que tout est transitoire, tout relève de l'illusion, tout est rose ou bleu selon ce que l'on décide.

SCENE COUR AMBASSADE

LA FEMME DU PRÉSIDENT
(s'est glissée derrière l'écrivain)

Je ne sais pas à qui vous parlez mais sûrement pas à moi.

L'ECRIVAIN FERIDON
Excusez moi madame en effet j'étais avec l'ambassadeur et.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Vous connaissiez bien mon mari quand vous étiez adolescents?

L'ECRIVAIN FERIDON
Ecoutez non, je n'avais pas l'impression mais il vient de me prouver qu'il m'avait suivi de près.

LA FEMME DU PRÉSIDENT  
Les vrais joueurs d'échecs ne négligent jamais les cases éloignées. Ils savent qu'un pion peut faire la différence.

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L'ECRIVAIN FERIDON
Je vous remercie pour le pion.
(mondain, geste  large désignant le cheval puis son  
interlocutrice)
Me voilà donc entre le cheval et la reine.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Ne croyez pas que j'aie quelque chose de spécial contre vous.

L'ECRIVAIN FERIDON
Moi non plus d'ailleurs je n'ai jamais écrit une seule méchanceté à votre sujet.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Vous dites cela d'un ton tellement satisfait j'ai l'impression que c'est un hasard. On dit que vous êtes très moralisateur dans  
vos écrits. Pourquoi voulez-vous quitter votre poste à peine arrivé? Réfléchissez c'est trop rapide.

L'ECRIVAIN FERIDON
Pourquoi voudriez-vous que j'y reste? Parce que vous savez que votre mari veut me nommer ailleurs. Vous craignez une  
foucade impopulaire mais je vous rassure
(On entend des détonations)
Qu'est-ce que c'est?

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Des manifestants il paraît que l'exposition offense le goût des honnêtes gens, ils sont une trentaine avec un porte voix. De  
toute façon, tout est téléguidé par des groupes qui blâment notre présence au Burlighistan.
Bon j'y vais. La femme de l'ambassadeur me fait de la peine j'ai appris qu'il suffisait de payer pour être hôte de votre villa  
pendant six mois on s'arrangera mon secrétariat va vous appeler en rentrant.

L'ECRIVAIN FERIDON
La durée limite du séjour est d'un mois mais on peut tout imaginer, en plus, le président est le président il fait ce qu'il veut.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Vous n'avez pas l'air d'avoir du mépris pour lui contrairement aux autres.

L'ECRIVAIN FERIDON
J'ai du respect pour ce qu'il va devenir.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Il est président,que voulez vous qu'il devienne?

L'ECRIVAIN FERIDON
Un héros populaire capable d'affronter ceux qui l'ont porté au pouvoir.De prendre le parti du peuple qui souffre après avoir  
longtemps passé pour le suppôt des milliardaires.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Et vous voyez ça où vous?

L'ECRIVAIN FERIDON
Je suis écrivain donc prophète c'est une tradition .

LA FEMME DU PRÉSIDENT

En général ce sont plutôt les femmes qui sentent l'avenir vous êtes marié?

L'ECRIVAIN FERIDON
On nous attend.
(Entrent Augustin Monsoreau et la femme de  
l'Ambassadeur son  carnet à la main)

SCENE COUR AMBASSADE

AUGUSTIN MONSOREAU
(à l'écrivain)

Ah le voici, Madame voulait vous voir, elle croyait que vous aviez quitté le dîner.
3

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L'ECRIVAIN FERIDON
Moi aussi je voulais vous voir, vous Monsieur.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Nous sommes assiégés mon mari est tout pâle, il y a des draps  et des lumières bleues jusqu'au plafond on dirait un labo  
photo, je ne comprends pas du tout pourquoi ils font ça mais j'ai l'habitude, je fais semblant de savoir de quoi il s'agit. Tout le  
monde dit que le décor est rose alors qu'il est bleu il doit y avoir une raison je fais comme les autres.
Bonsoir madame je suis la femme de l'ambassadeur.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Et moi celle du président.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Vous permettez que je prenne une photo. Il faut qu'il s'en aille très vite parce que si les manifestants bloquent le quai derrière  
c'est fichu pour partir en voiture à l'aéroport et il est impossible d'obtenir un hélicoptère à cette heure-ci. Si vous voulez voir les  
manifestants les voici.
(Elle montre l'écran de son appareil à l'écrivain qui s'y  
intéresse à contrecoeur)

L'ECRIVAIN FERIDON
Vous êtes sûre qu'ils sont trente.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Oh non il y en a beaucoup plus.

L'ECRIVAIN FERIDON
S'ils montent à la villa Paloma avec leurs pancartes sur le Burlighistan je vous préviens que personne n'a rien prévu.

AUGUSTIN MONSOREAU
Moi si, j'ai fait téléphoner par les services de sécurité de l'ambassade le parc est déjà fermé.

L'ECRIVAIN FERIDON
Compliments je voulais vous dire un mot justement.
(ils sont de dos au pied de la statue, et ils regardent le  
fond de la scène où la femme de l'ambassadeur  
vient de disparaître)

SCENE COUR AMBASSADE

AUGUSTIN MONSOREAU
(désignant l'ambassadrice)

Que fait-elle?

L'ECRIVAIN FERIDON
Je ne sais pas elle s'installe dans l'auto de son mari, elle croit qu'elle va partir.

AUGUSTIN MONSOREAU
Pourquoi prend-elle des photos c'est nouveau cette manie?

L'ECRIVAIN FERIDON
Ce sont ses cailloux de petit poucet. Quand on y songe nous sommes tous ainsi. Nous semons des jalons inutiles. Nous  
serons tous perdus un jour ou l'autre et nous n'aurons plus de cailloux.
Voulez-vous diriger la villa ? Je vous l'offre.

AUGUSTIN MONSOREAU
J'ai déjà du mal à obtenir que Didier soit nommé coordinateur et puis ce n'est pas vous qui décidez. Donc on ne m'a pas menti  
vous partez.

L'ECRIVAIN FERIDON
Il faudra vous manifester rapidement pour le poste s'il  vous intéresse.Il vous intéresse?

AUGUSTIN MONSOREAU
Evidemment.

3

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L'ECRIVAIN FERIDON
Je vous crois intelligent. Je crois que vous avez pitié de la femme de l'ambassadeur. Je crois que vous êtes épris de Didier.  
Serrons nous la main.
(hésitation)
Je veux juste vous serrer la main.

AUGUSTIN MONSOREAU
(lui serrant la main avec méfiance)
Le président n'est peut-être pas aussi influençable que ce que vous pensez.


L'ECRIVAIN FERIDON
En politique il y a deux sortes de promus : ceux qui s'y attendaient parce qu'ils pensent que tout leur est dû et qui veulent  
toujours davantage. Et puis les autres qui ne s'y attendaient pas et qui trouvent qu'on leur a fait un honneur inespéré. Ceux là  
sont reconnaissants et quand ils sont placés quelque part ils veulent y rester. Le président nomme principalement dans la  
deuxième catégorie depuis son élection. Je pense que vous en faites partie.

AUGUSTIN MONSOREAU
Je peux me permettre une remarque ?

L'ECRIVAIN FERIDON
J'écoute.

AUGUSTIN MONSOREAU
Vous ne voulez pas rester vous-même là où vous êtes; donc vous faites partie de la première catégorie.

L'ECRIVAIN FERIDON
Vous connaissez ceux à qui j'aurais envie de clouer le bec en faisant de la politique. Vous devinez ce que j'en ai subi.La  
tentation est très forte d'échapper à la sottise de mes ennemis à ce qu'ils appellent leur vigilance, afin de décider moi-même  
publiquement de ce qui est bleu ou rose.

AUGUSTIN MONSOREAU
Mais vous n'allez pas y céder.

L'ECRIVAIN FERIDON
Je vais laisser planer le doute un certain temps.

AUGUSTIN MONSOREAU
Je peux contribuer à le répandre.

L'ECRIVAIN FERIDON
J'allais vous en prier. Voici justement votre Ambassadeur on lui aura dit que sa femme est dans la voiture.
(l'écrivain s'en va)

SCENE COUR AMBASSADE

L'AMBASSADEUR
On m'a dit que ma femme est dans la voiture Pourquoi Féridon s'écarte t-il à mon arrivée ? S'il croit que je vais porter la  
responsabilité du fiasco de cette soirée il se trompe. Le président va devoir partir assez vite hélas les manifestants menacent  
de bloquer les voitures au premier carrefour.

AUGUSTIN MONSOREAU
L'écrivain dit que c'est fichu ils ne pourront pas partir ce soir.

L'AMBASSADEUR
Dites plutôt qu'il le souhaite.
Depuis le début cet écrivain me déplaît  .

AUGUSTIN MONSOREAU
Trop tard vous ne pouvez plus l'arrêter.

L'AMBASSADEUR
Que voulez-vous dire?

AUGUSTIN MONSOREAU
Il a les bonnes grâces du président. Ils étaient copains de classe.

3

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L'AMBASSADEUR
Je me doutais que sa nomination à la villa Paloma n'était pas un hasard.

AUGUSTIN MONSOREAU
Il va la quitter.

L'AMBASSADEUR
A peine arrivé ? Pour aller où ?

AUGUSTIN MONSOREAU
Ah ça, qui peut le dire ?

L'AMBASSADEUR
J'entends le savoir.

AUGUSTIN MONSOREAU
Plus haut en tout cas.

L'AMBASSADEUR
Il n'ira pas plus haut il est marqué.

AUGUSTIN MONSOREAU
Marqué comment?

L'AMBASSADEUR
Marqué-marqué
(geste féroce)

AUGUSTIN MONSOREAU
C'est peut-être le fait d'avoir été marqué-marqué qui lui donne envie d'aller plus haut.

L'AMBASSADEUR
Où ça plus haut, il ne veut  pas devenir DIPLOMATE tout de même.

AUGUSTIN MONSOREAU
Il vise bien plus haut.

L'AMBASSADEUR
Où?

AUGUSTIN MONSOREAU
(geste d'avion avec la main, se hisse sur la pointe des  
pieds, montre que l'avion atterrit très haut)

Tout en haut.

L'AMBASSADEUR
Ministre ? Pourquoi pas Pape ? Ca c'est le problème de ce président il se venge de ceux qui ont fait les grandes écoles en  
nommant n'importe qui .

AUGUSTIN MONSOREAU
Quelqu'un vient, j'ai l'impression que le dîner est fichu.

L'AMBASSADEUR
Le président veut partir avant d'etre coincé.

AUGUSTIN MONSOREAU
Votre femme nous revient aussi de l'autre côté.

L'AMBASSADEUR
Au moins s'il n'y a pas de dîner le désastre sera limité en ce qui la concerne. A t-elle son carnet?

AUGUSTIN MONSOREAU
Oui.

3

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SCENE C  OUR AMBASSADE  
(débarquement du Président et de son entourage)

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Gigi je vous cherchais je ne voulais pas interrompre cette soirée sans vous dire que je m'occupe de vous dès que rentrée.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Qui parle d'interrompre la soirée, elle n'a même pas commencé j'ai attendu le chauffeur il n'est pas venu je ne sais même pas  
où l'on va, mon mari m'a habituée à me traiter ainsi mais là tout de même il exagère. En plus je ne me suis même pas  
présentée je suis la femme de l'ambassadeur.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Enchantée et voici mon mari le président de la république.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
(pouffant presque)
Non je ne plaisante pas je suis vraiment la femme de l'ambassadeur.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Moi non plus vous ne reconnaissez pas mon mari ?

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR

J'ai dû noter des choses à son sujet dans mon carnet alors.

LE PRESIDENT
Dites Monsieur l'ambassadeur, qu'avez-vous prévu pour faire sortir un couple présidentiel un conseiller diplomatique et deux  
gardes du corps de ce palais lugubre ? Les commentaires sur le cheval j'en ai ma claque et le hors d'oeuvre n'est pas encore  
servi. Je vous signale que les manifestants là-bas sont explicitement opposés à votre exposition.

L'AMBASSADEUR
Ils sont téléguidés par des opposants locaux et leur thème principal est notre présence au Burlighistan.

LE PRESIDENT
Vous allez expliquer tout cela vous-même aux présidents des sociétés que vous avez saignées pour monter ce bazar

L'AMBASSADEUR
Je les fais chercher à l'instant et nous inaugurons cette exposition rapidement comme prévu. Ce ne sont que quatre mots  
vous allez voir (il sort un papier).

LE PRESIDENT
Descendez de cette estrade je vous prie. Vous n'allez tout de même pas nous infliger un discours au milieu d'une émeute  
alors que tout le monde se fiche de votre cheval , que je ne sais pas comment sortir d'ici et que mon avion part à minuit?.

L'AMBASSADEUR
Ce ne sera pas long du tout, Monsieur le Président, (essaie de prononcer son discours à toute vitesse et visiblement  
dans un état second) profitant de votre présence pour joindre à la célébration de l'art contemporain le bénéfice d'une  
opération de politique bilatérale réunissant  les acteurs les plus importants des deux pays; je voudrais au nom de nos  
compatriotes

LE PRESIDENT
Arrêtez, vous dis-je, mais il est fou ? Vous savez comme le disjoncter ?

L'AMBASSADEUR
C'était juste pour hâter l'inauguration si vous devez partir.

LE PRESIDENT
Il n'y a pas d'inauguration. Les choses ne se dérouleront pas comme vous l'avez prévu.

L'AMBASSADEUR
Mais je vous assure j'ai presque déjà dit l'essentiel,  on fait descendre nos industriels histoire de marquer le coup et en trois  
minutes une photo et c'est fini nous avions une inauguration en bonne et due forme.

LE PRESIDENT
Aucune forme n'est due. Je suis  le président de la république, je vous ordonne d'annuler, d'interrompre ce discours  
d'automate, de faire preuve d'imagination. Monsieur l'ambassadeur vous me terrifiez quand je vous regarde je vois l'ensemble  

3

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de la termitière c'est vertigineux, ça grouille à tous les étages, c'est plein de gens comme vous qui lisent un papier  
solennellement devant trois chefs de service.

AUGUSTIN MONSOREAU
(téléphonant)

Monsieur le Président je viens d'improviser quelque chose qui a l'air de pouvoir fonctionner mais il faut passer par la galerie  
souterraine.

LE PRESIDENT
Au point où nous en sommes si ça marche je vous nomme ambassadeur à la place de notre hôte qui m'a énormément  
énervé. Pourquoi faites-vous cette tête ? Je nomme qui je veux je ne suis pas au service des affaires étrangères, c'est le  
contraire.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
(lisant son carnet le doigt en l'air)

Comme il n'a pas fait les grandes écoles, il nomme exprès n'importe qui
(tout le monde la regarde stupéfait, elle tourne le  
carnet vers le public et ajoute)
c'est dans mon carnet.

LE PRESIDENT
Ah oui, et qu'y a t-il encore dans ce carnet ?

L'AMBASSADEUR
Je vous demande l'indulgence pour ma pauvre femme qui a perdu les pédales.

LE PRESIDENT
Vous aurez bientôt le loisir d'aller faire du vélo avec elle. On peut voir votre carnet madame ?

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Laisse c'est gênant.

LE PRESIDENT
Tu as raison c'est gênant.
(regardant l'ambassadeur avec pitié)

L'AMBASSADEUR
Monsieur le président ai-je démérité en quoi que ce soit?

LE PRESIDENT
Moi j'aime les gens qui méritent, ne pas démériter est à la portée du premier crétin venu . Vous par exemple.
(se tourne vers le conseiller)
Et vous quel est votre plan?

AUGUSTIN MONSOREAU
Une galerie souterraine permet de déboucher sur le quai du fleuve. Je fais mettre deux voitures à l'entrée du pont.Si vous m'y  
autorisez.

LE PRESIDENT
J'autorise tout ce qui marche. J'aime quand ça marche. Il y en a qui organisent des choses qui ne marchent pas. Moi c'est le  
contraire.Avec moi ça marche.

AUGUSTIN MONSOREAU
Ca va marcher j'ai juste besoin d' une confirmation

LE PRESIDENT
(olympien)

Je vous la donne.

AUGUSTIN MONSOREAU
Non, d'une confirmation de la part des chauffeurs.

LE PRESIDENT
La police est au courant?

AUGUSTIN MONSOREAU
Dans ce pays quand vous mettez la police au courant  
les ennuis commencent.
3

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LE PRESIDENT
(à l'ambassadeur)
Voilà le langage que j'aime chez le personnel diplomatique.
(au conseiller)
Je vais prendre congé des industriels je vous retrouve en bas.  
(à l'ambassadeur)
Vous venez avec moi.

L'AMBASSADEUR
Je vais trouver quelqu'un qui prendra ma femme en charge.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Je voudrais qu'elle nous suive au sous-sol j'ai manqué de temps pour lui parler j'ai une dernière chose à lui dire.

AUGUSTIN MONSOREAU
Didier l'assistant de la commissaire va venir vous rejoindre à l'entrée du souterrain mais il est en train de faire réunir vos  
bagages.

L'AMBASSADEUR
Non je trouverai quelqu'un ne vous en faites pas.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Si ce Didier fera très bien l'affaire. Monsieur l'ambassadeur, mon mari a été grognon mais je vous assure que nous avons  
passé ici quelques heures délicieuses.

LE PRESIDENT
Il n'a pas servi depuis combien de temps ce souterrain ?

AUGUSTIN MONSOREAU
Il sert toujours c'est par là qu'on fait monter les boissons, les caves de l'ambassade sont alimentées par les quais depuis  
l'époque du cardinal Davvero, autrefois on faisait rouler les tonneaux, aujourd'hui une fois par trimestre un camion livre des  
caisses de bouteilles qu'on monte ici avec des diables.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Avec des diables.

AUGUSTIN MONSOREAU
Des diables qui roulent.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
En plus ils roulent.

AUGUSTIN MONSOREAU
(un garde lui apporte une enveloppe)

Voici la dernière clé qui me manquait. Je vous demande une seconde, je reprends les autres et on y va.
(il disparazaît derrière le cheval)

LE PRESIDENT
On y va quand ? Où est-il passé? On ne peut pas éteindre ce cheval? on n'y voit rien derrière.

AUGUSTIN MONSOREAU
(réapparaissant)

Monsieur le président, il y a un imprévu j'avais laissé le reste des clés, celles de la galerie souterraine, avec tout un dossier  
dans une enveloppe sur la fenêtre, quelqu'un les a emportés.

LE PRESIDENT
Je vous demande pardon ?

AUGUSTIN MONSOREAU
J'ai déposé le paquet pendant que je téléphonais parce que j'avais des notes à prendre et hop.

LE PRESIDENT
Qui peut passer dans cette cour à cette heure-ci?

AUGUSTIN MONSOREAU
L'agent de surveillance, l'un des deux qui font la nuit au guichet magnétique. J'appelle son bureau.

3

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(compose un numéro)

LE PRESIDENT

C'est le cheval bleu qui se venge d'avoir été appelé rose. Voilà ce que c'est quand on joue avec les codes. Rien ne répond  
plus.

SCENE C  OUR AMBASSADE  

L'AMBASSADEUR
Monsieur le président j'ai mon idée.

LE PRESIDENT
Vous êtes encore là ?

L'AMBASSADEUR
Ma femme cache les objets de crainte qu'ils n'aillent se perdre.

LE PRESIDENT
Dites je voulais vous dire, indépendamment de tout le reste, je suis navré de ce qui vous arrive.

L'AMBASSADEUR
Oui merci elle est devenue très difficile à gérer.

LE PRESIDENT
Non je parle de votre santé.

L'AMBASSADEUR
Je vais très bien.

LE PRESIDENT
On m'aura mal renseigné.

L'AMBASSADEUR
C'est une hypothèse.

LE PRESIDENT
Vous n'avez pas de cancer.

L'AMBASSADEUR
Non les médecins sont formels.

LE PRESIDENT
Ca ne fait rien je suis navré pour vous quand même.

L'AMBASSADEUR
Il n'y a pas de quoi je vous assure.

LE PRESIDENT
Si il y a de quoi parce que même si vous n'êtes pas malade vous êtes tombé en disgrâce. Vous ne comprenez rien à votre  
pays d'accueil, vous semblez ignorer qu'il est en train de connaître la plus lourde faillite d'Europe, et vous continuez comme  
un imbécile à faire monter des expositions qui offensent les pauvres et qui sont ridiculisées au journal télévisé. Désolé je n'ai  
pas le temps d'en discuter mais si j'avais le temps je n'y trouverais aucun plaisir
(à la femme de l'ambassadeur, comme on parle à une  
grand mère sourde)

Bon maintenant Madame, il est essentiel que vous nous disiez où vous avez caché l'enveloppe où se trouvent les clés.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
(à son mari)
Qu'est-ce que tu es allé lui raconter. Ce n'est pas moi.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Laissez-nous toutes les deux je vais lui parler moi.

3

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LE PRESIDENT
Et vous Monsieur l'ambassadeur, allez vous occuper de vos hôtes qui doivent se sentir délaissés. A moins que personne n'ait  
remarqué votre absence.
(le rattrape de la voix)
Vous voyez vous m'avez quitté depuis une seconde et vous ne me manquez déjà plus.
(l'ambassadeur remonte au dîner)

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Arrête c'est méchant ce n'est pas digne de toi. Quand tu as quelqu'un dans le nez tu redeviens un enfant. Bon laisse moi  
m'occuper de cette histoire de clés veux tu.

SCENE C  OUR AMBASSADE  

LA FEMME DU PRÉSIDENT
(Chantante)
Gigi je ne vous en veux pas, mais si c'est vous qui avez pris l'enveloppe avec les clés de la galerie souterraine, il faut me le  
dire.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Ne me parlez pas comme à une gâteuse je vous prie.Je ne peux pas vous le dire mais je ne peux pas dire le contraire. J'ai  
peut-être pris une photo.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Je peux ?

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Je vous en prie.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
( essayant de consulter la mémoire de l'appareil)
On appuie où ?

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Là.
(redresse sa coiffure et recule, pour poser, ayant déjà  
oublié qu'il s'agit de consulter les photos  
enregistrées)
Attendez je dois être horrible.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
J'ai compris.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Quoi?

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Vous avez mis le dossier dans la voiture.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
C'est possible.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Je vais voir.
(Elle s'éloigne derrière la statue)

SCENE C  OUR AMBASSADE  

LE PRESIDENT
(au téléphone)

René sera dans la deuxième ils sont en train de ... où est ma femme.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Je vous demande pardon ?

LE PRESIDENT
Ma femme qui était là à l'instant avec vous.

3

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LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Elle est tout à fait charmante.

LE PRESIDENT
Oui mais je sens la fatigue m'envahir.
Maria ?

SCENE C  OUR AMBASSADE  

LA FEMME DU PRÉSIDENT
(réapparaissant)

Je suis allée vérifier, le portier avait un double des clés de la voiture, il va regarder si celles du sous-sol se trouvent dans le  
coffre ou dans la boite à gants.

LE PRESIDENT
Et si elles n'y sont pas ?

AUGUSTIN MONSOREAU
En ce cas les clés des grilles d'en bas sont difficiles à récupérer, il faudrait ouvrir le coffre fort à la trésorerie, mais la personne  
est rentrée chez elle à cette heure ci.

LE PRESIDENT
Avec les clés?

AUGUSTIN MONSOREAU
Oui enfin les codes.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
La réponse arrive. Merci Monsieur. Sauvés nous avons les clés de la galerie souterraine.

AUGUSTIN MONSOREAU
On me dit que vos voitures sont encore dans un embouteillage il y en a pour un quart d'heure, voulez-vous attendre ici ou en  
bas ?

LE PRESIDENT
Je ne peux plus voir ce cheval. Descendons.

AUGUSTIN MONSOREAU
Je reste un instant ici le téléphone ne passe pas dans les caves.

SCENE INTERIEUR COUR AMBASSADE

L'ECRIVAIN FERIDON
Il me serait facile je crois, de convaincre le président que vous pouvez diriger la villa. Mais le souhaitez-vous?

AUGUSTIN MONSOREAU
Je ne vous en voudrais pas de citer mon nom.

L'ÉCRIVAIN FERIDON
Vous n'avez pas une réponse moins diplomatique.

AUGUSTIN MONSOREAU
C'est oui.

L'ECRIVAIN FERIDON
Je n'entends pas à cause des manifestants mais je pense que c'est oui.

AUGUSTIN MONSOREAU
Même si cela ne marche pas merci.Mais pourquoi.

L'ECRIVAIN FERIDON
Je ne sais pas vous avez un côté légionnaire des armées romaines au moment où tout bascule. L'empereur titube dans son  
palais désert . Il passe de fenêtre en fenêtre pendant que la ville brûle. Vous sentez monter en vous une ambition soudaine,  
vous avez une idée, l'empereur file vers les souterrains avec sa garde, une carrière une vocation un destin sont à votre  
portée, vous prenez une initiative et voilà vous êtes devenu un homme d'état.

3

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(Cris des manifestants)


INT. DANS LES CAVES --NUIT

Un feu vert dans la nuit,un feu de signalisation. La lumière générale révèle la partie gauche de la scène où luit une  
voiture américaine . Au centre de la scène l'entrée d'un tunnel de type ferroviaire. La partie droite de la scène est  
laissée dans l'ombre.

LE PRESIDENT
Il y a une légende gravée sur une plaque de verre je n'arrive pas à lire. Où est Maria ?

L'ECRIVAIN FERIDON
Avec la femme de l'ambassadeur au milieu des caisses de champagne.

LE PRESIDENT
Il paraît que tu as des intuitions sur mon avenir politique. Que lui as-tu dit?

L'ECRIVAIN FERIDON
Que tu allais découvrir officiellement les souffrances du peuple

LE PRESIDENT
(lisant la plaque)
En voiture Simone. C'est écrit là, tout de même, faire graver une phrase pareille dans le cristal, l'art moderne se fiche de nous  
André Jérôme Adhémar Zeller et il signe AJAZ.
(s'installe au volant de la voiture)
Et quelles sont les souffrances du peuple selon toi.

L'ECRIVAIN FERIDON
Avant que j'oublie, si tu faisais nommer le jeune Augustin Monsoreau à ma place villa Paloma ce serait une excellente idée j'y  
ai pensé tout à l'heure.

LE PRESIDENT
Pas question il est compromis dans l'organisation de Cheval Rose or je déteste cette exposition.

L'ECRIVAIN FERIDON
Il n'y croit pas

LE PRESIDENT
C'est encore pire

L'ECRIVAIN FERIDON

Il pense seulement qu'il ne faut pas attaquer la sottise de front.

LE PRESIDENT
J'ai envie de te faire confiance et puis la chose a tellement peu d'importance en ce moment. Allez parle-moi des souffrances  
du peuple.

L'ECRIVAIN FERIDON
On dilapide des fortunes pour entretenir des illusions et ce cheval en est le symptôme, la métaphore, le symbole.  

LE PRESIDENT
Je le sais mais le peuple le sait-il?

L'ECRIVAIN FERIDON
Je te verrais très bien prendre ce cheval pour emblême de ce que tu ne veux plus tu dirais aux gens qu'ils peuvent compter  
sur toi et qu'ils ne doivent plus avoir peur de dire que le cheval est bleu .

LE PRESIDENT
(un silence réfléchi)
En tout cas dès que je rentre à Paris je donne des consignes pour que l'Etat ne se mélange plus à ces idioties.

4

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L'ECRIVAIN FERIDON
Il achète des métaux rouillés, des poussettes soudées, les moindres commissions sont truffées de commissaires politiques  
qui appellent ça des propositions intéressantes et qui intimident ceux pour qui le cheval est bleu.

LE PRESIDENT
Le pays n'aura bientôt plus de quoi payer les retraites, alors bleu rose ou à rayures c'est fini

L'ECRIVAIN FERIDON
Tu comptes l'annoncer publiquement?

LE PRESIDENT
Mais oui. Sérieusement que connais tu au peuple?

L'ECRIVAIN FERIDON
Pour commencer j'y suis né. A l'école j'étais le provincial égaré parmi les enfants de riches. Tu ne te souviens pas ? Je suis  
revenu dans la ville de mes parents . J'ai vécu parmi des gens qui n'avaient pas assez d'argent pour appliquer vos règles.Ce  
qui ne vous a pas empêché de les voter. Les fumeurs de 80 ans ont vu tripler le prix du tabac. Mauvais pour la santé. Je te  
signale qu'avoir 80 ans c'est mauvais pour la santé aussi. Maisons de retraite non conformes, Fermées, risques d'accidents.  
On sauve dix vies par an. Mais on écrase les vieux par l'exil, les vieilles dames ne risquent plus l'incendie de leur robe de  
chambre, non elles meurent de chagrin, par milliers, en quelques mois, dans un hôpital entièrement aux normes. Et quand les  
moindres amendes coûtent le tiers de ton salaire ? Et quand tu rentres des vendanges et que le gendarme te prend en une  
heure le produit de ton travail de la semaine parce que ta voiture a des pneus usés? La  loi est faite pour le peuple, pas contre  
lui. Vous appliquez des règles de parvenus à un pays pauvre.

LE PRESIDENT
Il y a des choses en préparation ne sois pas injuste tu vas voir tu seras surpris.

L'ECRIVAIN FERIDON
Oui tu vas aller t'asseoir au milieu d'eux et tu leur annonceras les temps ont changé, tu leur diras je suis de votre côté, des  
mesures de salut public sont nécessaires et j'ai besoin de votre appui contre les égoïstes, les nantis, les sans-coeur qui vous  
imposent des lois auxquelles vous ne pouvez plus obéir. Ils te diront "mais ce sont ceux qui vous ont porté au pouvoir". Et tu  
leur diras que faire le bien c'est retourner les gens c'est les convertir. Ils te croiront. Ils t'appuieront. Ils seront retournés ils  
seront convertis. Tu menaceras les puissants pour qu'ils financent tes réformes . Ils obéiront. Parce qu'entre la démagogie et  
le chaos personne n'a plus le choix.

LE PRESIDENT
Installe toi dans l'un de mes bureaux je veux entendre ça tous les matins .

L'ECRIVAIN FERIDON
Au bout de trois jours tu me diras de me taire.

LE PRESIDENT
Tu vois :déjà tu ne dis pas non.

L'ECRIVAIN FERIDON
Tu n'aimes pas qu'on te dise non.

LE PRESIDENT
Sincèrement cela me trouble que nous soyons si différents alors que nous sortons du même moule.

L'ECRIVAIN FERIDON
Ta femme ne m'aime pas.

LE PRESIDENT
Ce n'est rien, elle n'a pas pu te séduire c'est pour ça.

L'ECRIVAIN FERIDON
Elle n'a pas essayé.

LE PRESIDENT
Quelqu'un a dû lui dire que c'était inutile .Elle tient le petit Augustin pour ton protégé.

L'ECRIVAIN FERIDON
Il n'en est rien.

LE PRESIDENT
C'est le genre de choses qui ne m'intéressent pas.

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L'ECRIVAIN FERIDON
Moi ça m'intéresse je trouve même très utile d'apporter cette précision que tu sembles repousser comme pour mieux donner  
crédit à ce que dit ta femme. Chut le voici.

LE PRESIDENT
Et voilà ma femme aussi.  
(s'assied au volant de la voiture américaine)
Viens t'asseoir dans ma belle automobile.  
(au Conseiller culturel)
Alors Monsieur ? Nous pouvons sortir de cette prison oui ou non?

AUGUSTIN MONSOREAU
Tout est réglé. Où sont vos gardes du corps ?

LE PRESIDENT
Dans la galerie souterraine ils attendent à la grille.

AUGUSTIN MONSOREAU
Je vous donne le signal des que les véhicules banalisés sont prêts et garés près du pont.

LE PRESIDENT
Venez voir ce qui est marqué ici.

AUGUSTIN MONSOREAU
(se penche sur le tableau de bord de la décapotable)

"En voiture Simone".

LE PRESIDENT
Vous avez payé combien cet artiste pour qu'il se foute de nous à ce point là?

AUGUSTIN MONSOREAU
Deux cents mille mais je n'ai rien payé c'est sur la fondation  vous confondez avec la galerie Agatha Leibnitz.

LE PRESIDENT
Vous pouvez m'écrire une note de deux pages sur le thème: "comment moraliser l'investissement public en matière artistique  
sans passer pour un salaud de populiste?"

AUGUSTIN MONSOREAU
Je la rédigerai Monsieur le Président.

LE PRESIDENT
Si elle me convient vous serez nommé directeur de la villa Paloma et décoré de tout ce que vous voulez.
(la femme de l'ambassadeur prend une photo)
Ah non je ne veux pas être pris en photo dans cette voiture grotesque, effacez cela tout de suite. Maria je ne plaisante pas.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
ces photos s'effaceront d'elles-mêmes aussi vite que la mémoire de notre malheureuse photographe.
(la femme de l'ambassadeur prend le public en photo  
une puis deux fois pendant ce qui suit)
Tout s'efface toujours. Nous sommes ici nous serons bientôt ailleurs. Nous sommes ensemble et nous ne le serons plus. Mais  
peut-etre que notre mémoire demeure inscrite quelque part comme dans les carnets de Gigi. Elle l'affirme en tout cas.
Nous avons beaucoup parlé elle et moi, son univers intérieur est très riche dommage que toutes les portes soient ouvertes,  
elle a bu du champagne et nous avons parlé à son amie Suzanne qu'elle prétendait voir derrière moi c'était très  
impressionnant.  

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
(arrive du fond de la cave, se retourne, affecte de  
prendre une photo de la voiture)
Il y a une voiture dans ce souterrain c'est normal?

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Malheureusement Gigi nous allons devoir partir mais je vous assure que je vous appelle dès mon retour.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Pff. Cette voiture n'a même pas de moteur vous ne pouvez pas partir avec.
(Agatha Leibnitz apparaît)

LE PRESIDENT
Ah c'est pour ça, je me disais qu'elle avait du mal à démarrer. Voilà notre commisssaire d'exposition. C'est vous qui avez fait  
graver en voiture Simone sur un panneau de cristal là?

4

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LA COMMISSAIRE D'EXPOSITION  
C'est à la demande de l'artiste. Euh ça m'ennuie un peu que Madame prenne des photos, ca m'ennuie pour l'artiste justement  
parce que non seulement les droits sont réservés mais on n'est même pas censé MONTER dans cette voiture normalement..

LE PRESIDENT
Madame j'hésiterais sans doute à m'asseoir sur le fauteuil  de Victor Hugo, ou le lit de Napoléon, je n'oserai pas toucher du  
doigt un tableau de Rubens mais vous n'imposerez le respect à personne à propos d' En voiture Simone.
(Il frappe du plat de la main sur le flanc de la portière)

DIDIER
Laissez Agatha, ces photos ne sont pas faites pour être publiées de toutes façons.

LE PRESIDENT
Mais si, je vais les faire envoyer à la presse tiens vous me donnez une idée. J'espère que quelqu'un m'a pris en photo avec le  
cheval tout à l'heure?

L'ECRIVAIN FERIDON
Quelle est l' idée?

LE PRESIDENT
On va prendre le pays à témoin tu vas être content. Le président va faire son ignorant il va lancer un débat sur la question de  
savoir si le cheval est vraiment rose. Et vous le stagiaire qu'en dites-vous?

L'ECRIVAIN FERIDON
Laisse le voyons, vous n'êtes pas à armes égales, tu es le président, crois-tu qu'il soit libre de croiser le fer avec toi?

DIDIER
Monsieur le président c'est une option comme une autre, vous changez de codes, de conventions. En outre mais c'est un  
détail je ne suis pas stagiaire.

LE PRESIDENT
Le fait que le cheval soit bleu n'est pas une convention c'est un fait.

DIDIER
Si vous étiez daltonien il serait rose et ce serait un fait aussi.

LE PRESIDENT
Tu vois il croise très bien le fer que me racontais tu?

L'ECRIVAIN FERIDON
(à voix basse mais véhément)
Didier laissez tomber, pour la villa c'est presque fait ce n'est pas le moment.

LE PRESIDENT
Les daltoniens ne forment pas 90 pour cent de la population je vous signale or moi j'ai la prétention de gouverner pour les 90  
pour cent qui ne sont pas daltoniens. Vous ne dites rien ? Vous avez raison.

L'ECRIVAIN FERIDON
(mielleux)
Tu vois il a posé son épée.

LE PRESIDENT
Ne me dis pas que c'est lui ton protégé.

L'ECRIVAIN FERIDON
Je suis comme lui je reste muet

LE PRÉSIDENT
Je ne regrette pas d'avoir fait ce déplacement, cette histoire de cheval est une bonne idée, je vais tout mettre sur le dos de ce  
cheval: le chômage, les faillites bancaires et le désordre climatique, je vais leur dire que la vie d'une nation a besoin de codes  
et que justement
(se penche vers le jeune Didier)
quand des opérations GROTESQUES comme celles-ci essaient de remettre  en doute ce principe elles font le plus grand mal  
au corps social.

DIDIER
Premier point monsieur le président je ne suis pas fonctionnaire, je n'aspire pas à le devenir, je suis donc très peu sensible à  
l'intimidation. Ensuite le cheval rose ne nie pas l'existence des codes ni leur nécessité, il dit que les codes peuvent être  
remplacés par d'autres du jour au lendemain.

4

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LE PRESIDENT

Non monsieur le danseur ne peut pas devenir notaire et le notaire ne devient pas danseur. Oh et puis j'ai assez discuté  
d'ailleurs voilà le Conseiller.  
(au Conseiller)
J'essayais d'expliquer à votre jeune enragé que dans la politique il existe une vérité supérieure à toutes les autres, c'est celle  
de la majorité. Puisqu'il paraît que tout est convention celles dont décide la majorité sont celles que j'applique, un point c'est  
tout, allez on y va.
(un éclair de flash, la femme de l'ambassadeur vient  
de prendre une photo)

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Ah non on la refait vous n'y étiez pas tous.

AUGUSTIN MONSOREAU
C'est fait les voitures sont là.  Elles ont fait le demi tour au coin du pont. Un cortège plus nombreux  vous attend à l'entrée du  
Boulevard.

LE PRESIDENT

Ah non Maria s'il te plaît tu prends la carte de son appareil j'en ai assez.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Mais c'est déjà fait mon chéri, je l'ai prise sa carte depuis longtemps, allons on fait une photo de groupe et on s'en va.

LE PRESIDENT
Qui est là ? Je ne vois pas dans le noir c'est mal éclairé.  

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Vous n'y êtes pas tous, poussez vous à droite monsieur.

LE PRESIDENT

René? C'est toi ?  Je te tiens je ne te lâche pas. Figure toi que ce voyage m'a donné une idée je t'en parlerai dans l'avion.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Alors Gigi ça y est ?

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Mon flash est faible surtout la nuit .

LE PRESIDENT
De toute façon on s'en fiche il n'y a pas de carte.( Se tourne censément vers René qu'on ne voit pas) René tu souris  
j'espère.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Les visages sortent de la nuit comme les poissons des profondeurs marines. Elle est faite . Je la trouve mieux.

LE PRESIDENT
Bon eh bien nous n'allons pas traîner.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Vous ne voulez pas la voir?

LE PRESIDENT
Je n'ai aucune envie de me voir en poisson-chat.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Mais si montrez la moi.
(Elle prend l'appareil)
Ca fait drôle.

LE PRESIDENT
Qu'est-ce qui fait drôle?

LA FEMME DU PRÉSIDENT
Tout le monde a un air atroce.Même moi.

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L'ECRIVAIN FERIDON
(lui prend l'appareil)
Ca relativise c'est vrai.Enfin vous Madame, vous êtes très bien mais nous, on dirait que quelqu'un vient d'entrer pour nous dire  
que nous sommes malades.

LE PRESIDENT
(saisissant l'appareil)
La carte est dans la poche de ma femme et cette photo est entièrement théorique,à moins que l'appareil n'ait une autre  
mémoire il n'en a pas ?

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
De quoi?

LE PRESIDENT
De mémoire, votre appareil.

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Eh non il est comme moi, il n'a pas de mémoire.

LE PRESIDENT
(regardant l'écran de l'appareil avec une grimace)
Donne moi la carte Maria.

LA FEMME DU PRÉSIDENT
La voici.

LE PRESIDENT
(il la brise entre le pouce et l'index)

Crac. Et si j'éteins l'appareil hop la photo disparaît.Bon nous avons assez traîné ici

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR

La photo ne disparaît pas. Vous croyez l'avoir effacée, rien ne s'efface jamais, ni vos paroles, ni vos actes, vous retrouverez  
les unes et les autres Suzanne me l'a montré elle avait raison, elle tenait un panier et elle me rendait mes souvenirs, ils étaient  
tous là et je n'en avais pas honte. Et j'aurais voulu que tout le monde puisse en dire autant.

LE PRESIDENT
C'est ça, bon Monsieur le Conseiller que faites-vous, vous nous précédez.
(à l'écrivain)
Armand tu m'appelles j'y compte hein?
Ah mais c'est bien organisé voilà du monde qui arrive de l'autre côté à présent. C'est un coup à toi ça René non ? Il est où  
mon René.
(on voit des faisceaux de lampe de poche dans le  
tunnel la femme de l'ambassadeur disparaît dans  
l'obscurité à droite de la scène à la faveur du  
mouvement général)

AUGUSTIN MONSOREAU
(faisant l'aller retour à l'entrée du tunnel)

J'arrive Monsieur le Président.  
(sur un ton complice, à l'adrese de Didier et de  
l'écrivain)
Je reviens dans un instant.

DIDIER
(Très froid)
Je vais remonter avec Agatha.

AUGUSTIN MONSOREAU
Ah bon tu ne m'attends pas?

DIDIER
Non je ne t'attends pas.

AUGUSTIN MONSOREAU
Agatha m'a dit que tu t'es heurté au Président, je m'en doutais, ça veut dire que tu n'as pas l' intention de...

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DIDIER
Je crois à ce que je fais, je sais pourquoi je le fais, c'est la grande différence entre nous, j'ai travaillé très dur pour cette  
exposition, la villa ne m'intéresse pas, pas plus que de faire équipe avec toi.

AUGUSTIN MONSOREAU
Je vous demande pardon Monsieur Féridon de vous offrir ce spectacle inattendu et un peu navrant.

L'ECRIVAIN FERIDON
Ne perdez pas le bénéfice de la fuite à Varennes, allez mettre l'élite de la nation dans sa voiture nous en reparlerons demain  
moi je remonte.

LA COMMISSAIRE D'EXPOSITION
Moi aussi.

DIDIER
Moi aussi. C'est très délicat de votre part de me laisser seul avec Augustin mais cela ne sert à rien je n'ai aucune envie de  
devenir coordinateur de la villa Paloma surtout sous ses ordres et surtout après ce que j'ai entendu dans la bouche de ce  
président inculte et pathétique, attendez-moi Agatha.

AUGUSTIN MONSOREAU
Nous en parlerons demain si tu veux.

DIDIER
Non je n'ai aucune envie d'en parler mais je ne voudrais pas que tu croies qu'il s'est passé quelque chose de précis qui nous  
aurait écartés soudain, qui aurait provoqué notre divorce, il n'y a pas de divorce parce qu'il n'y a jamais eu d' affinité entre  
nous tu le sais bien.

AUGUSTIN MONSOREAU
Comme la vie est décevante! Aucun bonheur n'est jamais complet.
J'arrive Monsieur le Président.
(La lumière du projecteur quitte l'entrée du tunnel  
pour chercher la femme de l'ambassadeur à droite  
dans l'ombre)

INT. DANS LES CAVES -LA FEMME DE L'AMBASSADEUR SEULE

LA FEMME DE L'AMBASSADEUR
Ah j'ai failli aller dans le mauvais sens, je suivais les autres et puis je les ai perdus. Je ne suis pas descendue toute seule  
dans ce souterrain, cela au moins j'en suis sûre mais c'est drôle  je ne suis sûre de rien d'autre. C'est pourquoi je n'ose pas  
appeler quelqu'un parce que je ne me souviens pas du contexte. Ca m'est déjà arrivé, on me dit attendez  je reviens, mais j'ai  
perdu tout souvenir de la personne qui m'a dit de l'attendre et donc je ne l'attends pas. Je m'en vais, et c'est très gênant parce  
qu'en revenant, elle ne me trouve plus. Ou alors c'est le contraire, je crois que je dois attendre quelqu'un mais personne ne  
m'a dit d'attendre alors j'attends pour rien. Mais tout compte fait, cela, c'est moins gênant puisqu'il n'y a que moi qui attends  
pour rien. Alors, finalement , je crois que je vais attendre un peu.
(Silence un peu gênant, elle se déplace)
Tiens une voiture. Que fait cette voiture dans cette cave ? Quelle heure est-il? J'ai dû commettre une bêtise et m'écarter de  
quelqu'un pour me retrouver ici toute seule. Je déteste ça . Après les gens me prennent pour une folle.  
(Elle monte et sa voix se perd dans l'escalier pendant  
la fermeture au noir)

Bon j'y vais quand même, je monte cet escalier mais cela m'ennuie parce que j'ai l'impression d'être plutôt arrivée par l'autre  
côté et si je me perds mon mari sera furieux. Tant pis je prends le risque, Suzanne me défendra puisqu'elle arrive demain. J'ai  
l'impression que la journée s'est très mal passée mais l'avantage c'est que dans une heure j'aurai l'impression contraire. Où  
est-ce qu'on éteint. Tant pis je laisse allumé. Ah non voilà.

NOIR ET FIN