Le Figaro & autres

Quand l'immoralité et la forfaiture viennent du cabinet même du Président et quand le Conseil d'Etat lui obéit, Juppé suit. Pourquoi?

La raison pour laquelle l'annulation du concert de Verdun m'importait un peu, c'est que les paroles de la chanson "On t'a humilié" m'ont fait bondir il y a huit ans. J'ai essayé de signaler l'anomalie monstrueuse qui consistait à appeler à la mutilation et au meurtre, sur le territoire français, d'une catégorie de la population comme les homosexuels.

La raison pour laquelle l'annulation du concert de Verdun m'importait un peu, c'est que les paroles de la chanson "On t'a humilié" m'ont fait bondir il y a huit ans. J'ai essayé de signaler l'anomalie monstrueuse qui consistait à appeler à la mutilation et au meurtre, sur le territoire français, d'une catégorie de la population comme les homosexuels.A l'époque ni le Parquet de Paris, ni les journalistes, ni le secrétariat de la Présidence Sarkozy, avec lequel j'étais en contact en 2009 pour d'autres raisons en la personne assez molle, dilatoire, et finalement très lâche de Catherine Pégard, n'ont jugé que les mots "il est grand temps que les pédés périssent coupe leur le pénis, laisse les morts sur le périphérique" n'avaient, au fond, la moindre importance, ni moralement, ni politiquement.
C'est en route, Catherine : l'importance morale de l'affaire est éternelle, mais l'importance politique de cet épisode ravivé par le psychodrame de Verdun ne va pas cesser de croître. Il y a cinq ans je terminais mon petit tour de piste par "on en reparlera". Et tu vois, Catherine, c'est fait. On en reparle.

L'histoire jugera, surtout à la lumière de ce qui nous attend, et je suis en train d'y contribuer en le rappelant inlassablement, qu' il y a eu négligence criminelle, qu' on n'a pas jugulé les menaces radicales, les clips avec armes, les professions de foi outrageusement belliqueuses, on a délibérément sous estimé l'atteinte à l'ordre public, alors même que le Ministre de l'intérieur Valls, un Javert qui chausse à peine du 37, courait après un humoriste qui lui n'a jamais appelé à tuer personne. On a vu depuis que la mutilation et le meurtre s'appliquaient dans l'esprit de ces jeunes gens aux mécréants (pour les mêmes chanteurs du même groupe décidément maudit). Et l'on vient de voir que l'Elysée n'a pas hésité à convier le co-auteur de ces paroles à "amuser la jeunesse en marge des cérémonies de Verdun". L'argument selon lequel l'intéressé ne serait pas l'auteur du texte invitant à tuer son prochain en 2010 est particulièrement grotesque. Imagine t-on que lorsque Sardou chantait les Ricains ou La folle du Régiment, il ait pu répondre à la polémique en disant "c'est pas moi c'est mon parolier?" Non évidemment.

Ensuite et c'est le principal, nous venons d'assister à une séquence qui en dit très, très long sur la déliquescence morale du pouvoir en France et sur les raisons pour lesquelles il va changer de mains, là sans doute, brutalement, avant l'échéance, à la faveur d'on ne sait quoi qui monte qui monte, et au profit de personnages encore inconnus ou méconnus. Le président de la République ou ses services ont convié le chanteur de la haine à se produire pendant les cérémonies de la Paix. Première faute, commise aux frais des contribuables lesquels, s'il y avait eu un référendum, auraient repoussé l'initiative à 90%.

Deuxième faute : quand les protestations s'élèvent, y compris parmi les descendants de soldats, on prétend que les protestataires ne sont pas le peuple, mais un groupuscule d'extrême droite aux motivations douteuses, dont visiblement la morale ne fait pas partie. Comme si la morale ne pouvait pas compter parmi les mobiles de vos adversaires. Ensuite, troisième faute, dans sa lâcheté, désormais connue de tous, sur tant d'autres affaires, privées et publiques, la Présidence, le Président, François Hollande, cherche à accabler le maire de la ville de Verdun, lequel se rebiffe immédiatement. Les journalistes qui ont couvert les préparatifs confirment en ce moment que l'Elysée était évidemment au courant de tout et comment imaginer le contraire, les présidents français et allemand doivent se rencontrer sur place. L'organisation avait monté le programme en accord avec la Présidence comme il se devait.

Or curieusement (dernière faute, fatale) on voit s'élever une ligne de défense inattendue, Juppé et l'un de ses lieutenants essaient de désamorcer le truc , en tentant le coup de billard par la bande avec effet mais ils ratent leur tentative à Verdun et ils récidivent à propos de l'arrêt du conseil d'Etat (scandaleux) relatif au burkini. Prétendre qu'il n'y a pas menace à l'ordre public alors que c'est pour cette raison, la vertu supposée des femmes d'origine étrangère et leur protection démonstrative, que les Corses ont reçu coups et blessures, c'est un peu fort. Mais il s'agit encore de protéger le montage politique le plus grossier de la décennie imaginé par un Président psychopathe dont les complices doivent être les bénéficiaires. Un scandale, des dissensions risquent de tout faire capoter. Alors Juppé obéit. Hollande a en quelque sorte adoubé son opposition-maison avec la complicité de la presse qui lui a sacrifié une poignée de gens (dont moi), il a essayé de discréditer Sarkozy par des moyens retors, souterrains, illégaux, et fait surgir de nouvelles têtes comme Macron pour sauver la sienne. Depuis des mois il fait cajoler son opposant docile, Juppé, qui fait la couverture de tous les journaux à sa dévotion, pour le faire placer où il faut en cas de nécessité. N'importe où. Il en fera d'ailleurs n'importe quoi, il en fera ce qu'il veut, l'homme n'est pas difficile, il est faible, il aime les honneurs, à son âge ils les brigue encore. Comme disait Bedos de Mireille Mathieu, il n'est ni de droite ni de gauche, il est là où on le pose. Alors il sera ce qu'on veut. Premier ministre cohabitant, président d'une coalition de synthèse (si son élection devient inévitable), avec un premier ministre ancien banquier qu'on lui désignera parmi la jeune garde qu'on a soi-même formée, et à qui on rappelle, en ce moment, tout ce qu'elle doit à ceux qui l'ont hissée à la tribune (textuellement).

C'est pourquoi la presse nous a vendu littéralement Juppé jusqu'à l'écoeurement depuis des mois, et lui désigne désormais un premier ministre naturel, Macron, avec qui il forme une sorte de tandem ecclésiastique. Le crâne de l'un semble appeler la mitre, celui de l'autre la barrette. Dans le cas de Macron c'est évidemment une barrette de futur traître, de Jésuite . Je les reconnais, je sors de chez eux aussi. Ce duo de tartuffes n'hésite pas, par pur calcul, à trouver des excuses à un chanteur qui invite la jeunesse de son pays à tuer les homos "non-halal", et qui voit, accessoirement, la France comme une pute kouffar à baiser - en quoi il n'est certainement pas le seul.Eh bien Messieurs, vous avez compté sans une poignée de gens non-halal mais debout, dont je fais partie, et qui vous feront trébucher avant le poteau parce qu'on ne peut pas tout prévoir, surtout pas la vertu chez les autres, ceux qui gagnent mille euros par mois à soixante ans et qui n'ont  que la vérité à défendre.Les peuples finissent toujours par trouver le chemin de la morale collective et ils suivent ceux qui l'empruntent les premiers.